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journal de la commune

rer, et qu’il prétend même ne pas acheter plus cher que vingt francs par jour. Cette réticence persistante produit le pire effet. La dictature est toujours un malheur, mais la dictature irresponsable serait un crime. Tout gouvernement occulte est poussé fatalement vers les forfaits ou les erreurs fatales. Cette funeste expédition de Paris sur Versailles, cette campagne malencontreuse de Clamart et de Châtillon, de Rueil et du mont Valérien, la Commune avait-elle le droit de les décider sans prendre l’avis de ceux dont elle engageait l’avenir ? — Il y a plus, dans cette lutte contre toutes les forces réactionnaires de France, la Commune, pour vaincre, doit être soutenue par le dévouement de ses partisans, par l’enthousiasme qui affronte la mort. Mais, à moins d’être un jésuite, peut-on se livrer corps et âme à une administration secrète ? — à moins d’avoir un cœur d’amadou peut-on prendre feu pour un ensemble d’individualités inconnues, parmi lesquelles foisonnent des imbéciles et grouillent quelques traîtres ? Pourquoi arrête-t-on des membres de la Commune ? — S’ils ont mérité leur arrestation, c’est un fait grave — , s’ils n’ont pas mérité leur arrestation, c’est un fait plus grave. Et il est peut-être plus grave encore d’ignorer si quelques membres ont mérité cette mesure sévère, ou si l’Assemblée tout entière a commis un excès de pouvoir. Le Vengeur, journal de Félix Pyat, qui est dans le secret des dieux, nous a communiqué négligemment un entrefilet de trois lignes : « Décret de la Commune sur l’arrestation de ses membres. Ils pourront être arrêtés sans le vote de l’Assemblée ; mais ils auront le droit d’être entendus par elle ». Cela nous ouvre des perspectives inattendues sur la composition de cette Assemblée et sur les procédés qu’on y peut mettre en usage entre collègues.

Si nous ne pouvons nous renseigner par les comptes-rendus, c’est, à ce que l’on entend chuchoter, c’est grâce à la générosité de l’Assemblée qui, par respect pour elle-même, voudrait jeter un voile sur les agissements de la minorité, ne pas nous décourager par le spectacle de nullités prétentieuses, ne pas nous irriter par la vue de furieuses insanies… C’est possible, mais on a tort d’être si discret avec notre propre bien ; nos intendants, nos mandataires, élus au cri du mandat impératif qu’on poussait sur toute la