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journal de la commune

pour y être incorporés dans les compagnies de discipline.

Tout en se retranchant dans la Préfecture, les révolutionnaires de Marseille envoyèrent des ambassadeurs auprès d’Espivent, ils eussent tout cédé si on leur eût accordé des élections municipales à bref délai. Espivent ne voulut rien entendre : « Rendez-moi la Préfecture en dix minutes, ou je la prends dans une heure. »

La députation s’en retourna désespéré, et, en passant, essuya des coups de fusil, tirés par les frères ignorantins, de derrière leurs fenêtres.

L’armée, alors, engagea un feu de mousqueterie tout autour de la Préfecture, les décharges répondaient aux décharges et le bruit sinistre de la fusillade se répercutait au loin. Mais les insurgés tenaient bon. Alors, à la stupéfaction des habitants, Espivent eut recours aux grands moyens. Du haut de la colline qui s’élève majestueuse au-dessus de Marseille, et du fort Saint-Nicolas, il bombarda la Préfecture et les lieux circonvoisins. Le sombre bruit du canon se succédant à intervalles presque réguliers était d’un effet terrible, à ce que l’on nous raconte ; les cœurs se serraient : peu à peu les rues avaient été désertées. Au bout de quelques heures, la Préfecture, effondrée, intenable sous la pluie d’obus, était abandonnée par la majorité de ses défenseurs, qui se sauvèrent comme ils purent à travers les fusillades, les barricades et les embuscades. Quelques braves restèrent cependant, et, quand la porte de la Préfecture fut enfoncée à coups de canon, ils reçurent l’assaut des compagnies de marine qui, fondant sur eux la hache en mains, en firent un sinistre carnage.

À partir de ce moment, l’ordre régnait à Marseille, et Espivent envoyait à Thiers un télégramme triomphant. Le premier jour et un peu le lendemain, le vaillant général fit fusiller à peu près tout ce qu’il put, surtout en fait de garibaldiens ; mais il dut ensuite se contenter de faire des prisonniers, et la chasse à l’homme commença, dans les caves, les égoûts, tous les recoins et cachettes. « J’ai cinq cents prisonniers au Château d’If… Le procureur général près la cour d’Aix, qui me donne le concours le plus dévoué, lance des mandats d’amener contre les échappés dans toute la France. On nous écrit aujourd’hui que le nombre des arrestations ne se monte pas à moins de 1 300 ». Jamais, même au