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journal de la commune

L’autorité civile se réunit effarée à l’Hôtel-de-Ville : on chercha longtemps, mais en vain, M. le Préfet. Néanmoins le maire ordonna à un colonel de cuirassiers de charger la foule et de s’emparer des soldats mutinés, mais dans la mêlée le colonel fut tué d’un coup de revolver. (Dans les journaux de Versailles, ça se lit ainsi : au glorieux héros de Reichshofen, il était réservé de tomber sous le coup des assassins, comme ces nobles victimes qui s’appellent Lecomte, Clément Thomas et de l’Espée.)

Le Préfet avait fui, c’est vrai, mais il fit bientôt sa réapparition à la tête des renforts envoyés par le Ministre de la guerre. « Le désordre ne fut que de courte durée, force resta à la loi » et, depuis, la réaction se venge du péril encouru et de la frayeur éprouvée, par des emprisonnements de citoyens, des exécutions de soldats.

C’est une histoire tragique que celle de l’insurrection de Marseille, car ce n’était qu’une insurrection puisqu’elle a été vaincue.

Dès le 23 avril, un mouvement avait éclaté à la suite duquel une Commission avait été nommée pour administrer provisoirement le département, administration dans laquelle étaient restés plusieurs membres de l’ancien Conseil municipal. De jour en jour, d’heure en heure, les difficultés grossissaient, la tension augmentait. Sur les ordres de M. Thiers, l’autorité officielle se comporta à Marseille exactement comme à Paris, elle se retira devant l’émeute, lui abandonnant soudain tous les services, lui donnant toutes les responsabilités en lui enlevant soigneusement les moyens d’y faire face. Le général commandant Marseille se retira tout à coup avec toutes les troupes qu’il put ramasser. Il entoura la ville d’un cordon militaire, tandis que les vaisseaux de ligne faisaient bonne garde. Retranché dans son camp, il mettait le département en état de guerre, Marseille en état de siège, envoyait des ordres, interdisait aux gardes nationaux de se réunir en armes. La Commission départementale provisoire, agissant à son tour à l’instar du Comité Central de Paris, convoquait à bref délai la population marseillaise à des élections par lesquelles le suffrage universel, juge souverain, eût prononcé son arrêt ; mais M. Thiers et son général de l’état de siège n’en avaient cure. Ils se croyaient, ils se sentaient, les plus forts, donc