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l’homme et la terre. — rome

de front qu’avaient dû opérer soudain toutes les forces de Rome !

Mais elle ne devait pas succomber. Si grand capitaine qu’ait été Hannibal, si prodigieusement habile à saisir les avantages que lui présentaient le champ de bataille, les conditions du milieu et l’état moral des troupes, il n’en restait pas moins un étranger, maître seulement du sol sur lequel il campait. Pour lutter victorieusement contre Rome
Musée de Naples.Cl. Alinari.
scipion l’africain
qu’entouraient des alliés et qui gardait ses libres communications maritimes, il aurait dû s’appuyer sur des peuples amis et retrouver contact avec la mère patrie. Mais les Gaulois ne l’avaient aidé qu’à demi, le roi de Macédoine n’avait été qu’un allié incertain, et, quoiqu’il eût réussi, par un détour à l’est des Apennins, à se cantonner dans l’Italie méridionale, à proximité de la Libye, il ne put recevoir de Carthage que des secours très irréguliers, car la mer ne lui appartenait pas. Pourtant il se maintint pendant quinze années sur le territoire de l’ennemi, déplaçant son royaume avec son armée. Toutefois, les Romains, à leur tour, suivirent son exemple en portant la guerre hors de l’Italie, en Sicile, en Espagne, puis, avec Scipion, devant Carthage même : Ainsi le génie personnel d’Hannibal n’avait pu rien contre un fait géographique, la position dominante de Rome comparée à celle de Carthage, arbre à la puissante ramure mais aux faibles racines.

Forgée à nouveau par la terrible guerre, la puissance romaine sortit de l’épreuve plus solide et plus étendue que dans la période pré-