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nonçant certaines formules sacramentelles. Le cérémonial des tribunaux, des palais, celui des temples et des demeures privées, que les Romains observèrent presque sans changement durant des siècles, avait été également emprunté aux Etrusques. On peut dire qu’à tous les points de vue, le peuple romain se nourrit de la substance des Rhasena, comme ces insectes qui trouvent leur alimentation toute prête dans la cellule d’éclosion qui leur a été préparée.

Les commencements de Rome furent ceux d’autres colonies fondées par des fugitifs ou des aventuriers. En un pays de coteaux dominé au sud par le massif superbe des volcans éteints du Latium, étaient éparses de petites bourgades, à côté desquelles on a trouvé des tombeaux très anciens, datant d’au moins 30 ou 31 siècles[1]. Parmi ces habitations villageoises, une petite enceinte carrée, sur une colline des bords du Tibre, tel fut le premier réduit, souvent précaire, des « Romes » ou « Rèmes », dont les descendants devaient conquérir le monde. Quels furent les fondateurs de ce « bourg de défense », entouré d’autres villages fortifiés où s’étaient cantonnées des tribus, alliées ou ennemies, appartenant à un même type de civilisation peu stable, à la fois agricole et guerrière ? La légende et les interprétations que suggèrent certaines expressions de la langue permettent de croire que ces premiers Romains, ou du moins ceux qui leur donnèrent la première cohésion politique, furent des émigrants ayant quitté les montagnes voisines à la recherche d’un meilleur sort et réunis beaucoup plus par les communes fatigues que par la parenté d’origine. Souvent l’insuffisance des pâturages sur les pentes et les sommets, l’accroissement des familles, le manque d’industrie et de commerce avec les habitants des plaines rendaient les migrations nécessaires. Quand la nourriture se faisait rare, les jeunes hommes avaient à périr ou à se livrer aux expéditions aventureuses pour échapper à leur prison de montagnes. Voués à Mamers, le dieu de la guerre, qui était aussi à cette époque la divinité des champs[2], ils descendaient de leurs hauteurs, non sans avoir été consacrés par des cérémonies qui devaient écarter le danger, charmer les esprits mauvais et le destin. Groupés en bandes,

  1. O. Montelius, Roma prima di Romolo et Remo, Acad. dei Lincei, cité par Bollettino d. Soc. Geogr. Ital. 1899, p. 637.
  2. Michel Bréal et Anatole Bailly, Dictionnaire étymologique latin, p. 183.