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l’homme et la terre. — libye, éthiopie

de la vingt-deuxième et de la vingt-cinquième dynastie furent des Ethiopiens, et c’est à ces derniers que les envahisseurs assyriens disputèrent l’Egypte, devenue simple proie de guerre, sans force et sans volonté.

Il est probable que les conquérants égyptiens des grandes époques d’expansion guerrière réussirent à escalader directement les hauts escarpements de la citadelle d’Ethiopie en remontant au sud-ouest la vallée de l’Atbâra ; en tout cas, il est certain qu’ils abordèrent par les côtes de la mer Rouge, aux mêmes endroits par lesquels l’armée italienne essaya vainement, il y a quelques années, de conquérir ces hautes terres abyssines. Les inscriptions nous racontent cette annexion de l’Ethiopie montagneuse au monde égyptien. Il y a trente-cinq siècles, les Pharaons de la dix-huitième dynastie faisaient occuper ces hauteurs par leurs généraux et même le fameux Sésostris, avant son avènement au trône, y pénétra en lieutenant de son père. Les deux royaumes de Tekerer et d’Arem, qui ont conservé leur nom jusqu’à ce jour, — Tigré, Amhara, — étaient assujettis au prince régnant à Thèbes.

Les pylônes de Karnak mentionnent aussi des noms de villes dont plusieurs subsistent encore : Adulis, la moderne Zullah, était le port où débarquaient les armées conquérantes ; Adua possédait le rang de capitale, qu’elle a souvent repris depuis cette époque, tandis qu’Aksum, cité maintenant ruinée, n’existait pas encore lors de l’arrivée des Egyptiens : ceux-ci la fondèrent à la gloire de leurs souverains[1] ; Coloé et son lac, que Th. Bent a retrouvés sur un plateau à plus de 2 000 mètres d’altitude, étaient probablement une annexe estivale de la commerçante Adulis.

L’influence égyptienne, quoique très mélangée, eut donc une certaine importance, même par un contact direct, dans le mouvement de la culture en Ethiopie ; mais on ne saurait douter que l’action primordiale du dehors ait été exercée par les Hymiarites, habitants du massif de montagnes qui se dresse à l’angle de l’Arabie et fait face au puissant relief africain. Entre les deux contrées, analogues par le relief, le climat, les productions, mais séparées par un étroit fossé de plages désertes et d’eaux parsemées d’îlots et de rochers, une force

  1. A. Mariette, Listes géographiques des Pylônes de Karnak.