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l’homme et la terre. — iranie

Chaldée, détournent à l’ouest le mouvement des peuples et des idées.

Une de ces voies latérales, utilisant une très large brèche des monts occidentaux, contourne l’Elvend par le nord en une sorte d’escalier qu’on a dû pratiquer depuis un temps immémorial, car la différence des produits et des civilisations entre les deux contrées adjacentes, de la hauteur et de la plaine, rend les communications indispensables : des gens du plateau descendaient, fort nombreux, et, de leur côté, les gens d’en bas montaient vers les terrasses.

Campées sur le gradin supérieur de cette porte, les armées de la Perse occupaient une position qu’il était presqu’impossible d’attaquer ; mais, d’autre part, elles devaient être tentées de descendre les marches pour aller conquérir la plaine. L’histoire nous enseigne que les souverains de la Perse eurent presque toujours l’offensive et que, très souvent, poussant leurs armées comme des avalanches, ils envahirent les campagnes basses, non seulement jusqu’à l’Euphrate mais jusqu’à la Méditerranée et à l’Archipel. Le reflux des populations vaincues ramenait les Perses vers leurs montagnes, et c’est toujours aux passages de l’Euphrate ou du Tigre ou bien aux portes occidentales des monts Zagros que se livraient les batailles décisives.

Les traditions nous parlent des grands conflits qui eurent lieu à Forée des plaines entre les Elamites, c’est-à-dire les Perses de ce temps-là, et les Chaldéens ou Assyriens. Ayant commis l’imprudence de s’aventurer dans la plaine pour soutenir le choc de leurs adversaires, les rois de l’Iran couraient le risque d’être vaincus beaucoup plus que dans leurs défilés de montagnes. C’est ainsi que Darius vint se faire écraser par Alexandre dans les campagnes d’Arbelles. Plus tard, c’est dans la même région que les armées romaines de Crassus, de Valérien, de Julien le Philosophe furent anéanties par les Persans, et la « bataille des batailles », qui donna la Perse aux Mahométans, fut aussi livrée dans les terres basses de Chaldée[1].

La grande voie historique du nord de l’Iran conserve la même direction que le diaphragme asiatique formé par la série de hautes arêtes qui se continue jusqu’à l’Immaus ou Himalaya. La partie occidentale de cette voie est tracée avec précision par la nature. L’arête de l’Elburz, l’ancien Albordj, qui portait déjà ce nom aux premiers temps histo-

  1. Voir Carte n° 121, page 91, tome II.