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centres de civilisation

manifestations était destinée à produire les conséquences les plus sérieuses, à contribuer pour la plus forte part à l’éducation du genre humain ? Actuellement il ne peut y avoir aucun doute à cet égard. Dans la lutte pour la puissance, l’Occident l’emporta certainement jusqu’à nos jours. Ce sont les nations de ce versant qui témoignent à la fois de plus d’initiative pour le progrès et d’une plus grande puissance de régénération. Et pourtant il semblait au premier abord que l’Est fût la moitié privilégiée de la planète : vues dans leur ensemble, les nations du versant oriental eurent leur période de supériorité réelle ; on peut même prévoir qu’elles la prendront à nouveau et que, ainsi que l’Atlantique évinça la Méditerranée de sa position suprême, sur la Terre, graduellement rapetissée, le Grand Océan assumera sur le fossé de l’Atlantique la prépondérance que lui assurent son étendue et le demi-cercle de ses rivages, épine dorsale de tout l’organisme continental.

Sans chercher à établir ici quelles furent les contrées d’où partirent les premières impulsions, il est probable que la place matérielle occupée il y a trois mille ans par les nations ayant déjà conscience de leur vie dans l’histoire du monde était moindre à l’occident qu’à l’orient du diaphragme asiatique. Les vallées et les plateaux que peuplaient les Mèdes et les Perses, les plaines de l’Assyrie et de la Chaldée, la contrée des Hittites, des enfants d’Israël et d’Ismaël, les côtes des Phéniciens, celles des Sabéens et des Hymiarites, les bords du Nil, les îles de Gypre et de Crète, enfin les parties de l’Asie antérieure où germa la civilisation qui, plus tard, devait si merveilleusement fleurir en Grèce, de l’autre côté de la mer Egée, toutes ces contrées ne formaient qu’un étroit domaine en comparaison des vastes étendues de l’Asie sud-orientale, de l’Indus à la rivière Jaune, et même à la Sibérie méridionale, si riche en inscriptions des âges disparus. Encore faut-il ajouter à ce territoire asiatique une grande partie de l’archipel malais, dont la civilisation est certainement d’une date très ancienne. Enfin, les terres océaniques, éparses sur une étendue liquide aussi vaste que toutes les masses continentales de l’Ancien Monde, semblent avoir fait partie d’une aire dont le développement historique était supérieur à celui des populations européennes à l’époque des Pélasges.

Certes les tribus sauvages de l’Europe pendant l’âge de pierre