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l’homme et la terre. — la culture et la propriété

qui se prépare n’est-elle pas la culture des microbes fabricateurs de composés nitriques assimilables par les plantes et, en conséquence, créateurs d’espèces plus riches et plus nourrissantes ? Le génie de l’homme a pour ambition de domestiquer à son profit les multitudes innombrables des infiniment petits[1].

Et tous les progrès qui ont été faits depuis un siècle dans la science de la vie, animaux, et plantes, ont été en même temps un accroissement du pouvoir humain dans la transformation, l’éducation des espèces, la compréhension de tout l’ensemble harmonique des choses. Les vrais prédécesseurs de Darwin, ceux qui firent son éducation et que l’on devrait considérer comme les auteurs de la doctrine d’évolution, sont les éleveurs et les jardiniers qui, par leurs ingénieuses recherches, ont su faire s’épanouir de si belles roses, développer de si merveilleux chrysanthèmes, embellir si étonnamment les espèces de nos compagnons domestiques[2]. Chaque année voit s’accroître les miracles. Les horticulteurs dévoués au monde de plantes qu’ils développent autour d’eux sont ravis de voir combien les résultats dépassent leurs peines. « C’est précisément le contraire de ce que disent les indifférents et les novices. Ils s’imaginent que le jardinier verra disparaître le résultat de son travail avec le changement des saisons, tandis que, d’année en année, s’accroissent la splendeur et la variété des richesses florales, grâce à un peu de pratique des lois de la vie »[3].

Les immenses conquêtes de l’homme, obtenues par l’amélioration des espèces, se sont également étendues en nombre : elles ont eu autant d’importance au point de vue extensif qu’au point de vue intensif. Les nouveaux besoins de l’industrie utilisent des espèces dont on ne connaissait pas la valeur autrefois, et tout l’équilibre économique des migrations se trouve changé par la nécessité de trouver tels ou tels produits en des lieux très éloignés des centres de culture. Ainsi la découverte du Nouveau Monde fut-elle, peu de temps après, suivie par le déplacement des industries coloniales, culture de la canne à sucre, du caféier, du bananier, et c’est à cette extension des champs de culture par delà les mers que sont dus les énormes mouvements de population d’un continent vers l’autre et les problèmes, si redoutables, des conditions du travail. Une révolution nouvelle s’est produite quand les matières

  1. E. Duclaux, Traité de Microbiologie.
  2. Patrick Geddes, Education for Economies and Cilizenslife, p. 27.
  3. Alfred Dumesnil, Libre.