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l’homme et la terre. — la culture et la propriété

tueurs de bêtes et d’hommes, si ce n’est en cas de défense personnelle.

A cet égard, les prescriptions stipulées pour le parc de Yellowstone ou « Parc National » aux États-Unis eussent été le modèle à suivre. « Aucune violence ne doit être faite contre oiseau ou autre animal, aucun coup de hache ne doit être porté contre arbre de la forêt primitive, et les eaux doivent continuer de couler non polluées par moulin ou par mine. Tout doit rester en l’état pour témoigner ce qu’était le Far West avant l’arrivée de l’homme blanc ». On peut se demander si toutefois les hôtels avec leur outillage et leurs dépendances de toute nature n’entraînent pas peu à peu la violation de ces engagements. On a les mêmes craintes pour tous les « parcs » de ce genre établis dans le voisinage des grandes cités et des régions surpeuplées. Dans le New-Hampshire, un naturaliste a délimité en pleine région montagneuse une fort belle forêt de 17 000 hectares, où l’on a lâché 74 bisons, 1 500 élans et près de 2 000 autres cervidés d’espèces diverses, toutes bêtes sauvages qui ont trouvé là un milieu qui leur convient, et qui s’y multiplient. Les monts Adirondak de New-York ont aussi leurs réserves et chacun des États du Nord demande d’avoir les siennes[1]. Le même courant d’idées se fait jour en Australie et en Nouvelle-Zélande. Evidemment, l’aspect et le peuplement de ces divers parcs nationaux dépendra du goût sincère des habitants pour la nature et de la science de leurs zoologistes. En Afrique, on a constaté que la « réserve » établie par les Anglais sur la rive gauche du Chiré n’a point eu pour résultat de ramener l’éléphant dans la région d’où la chasse l’avait contraint de fuir. Les bêtes féroces, notamment les lions et leur gibier, se sont accrues dans le parc rhodésien mais l’éléphant n’a pas confiance[2] : peut-être craint-il une nouvelle ruse de l’homme, son ennemi par excellence.

Outre les animaux de chasse ou d’utilisation sur lesquels s’exerce l’influence de l’homme en divers sens, mais surtout dans le sens de la destruction, de très nombreuses espèces subissent indirectement cette influence. On ne saurait éviter l’élimination des multitudes par l’établissement des colonies, le défrichement, la culture des champs, la construction des routes et des usines. Si, dans nos pays d’Europe, les musées contiennent beaucoup d’espèces d’oiseaux migrateurs ou sédentaires qui ont complètement disparu pendant le dix-neuvième siècle[3]

  1. Revue Scientifique, 30 avril 1898, p. 569.
  2. Globus, 1er nov. 1900, n° 18.
  3. Levat, Revue Scientifique, 8 janv. 1898, p. 58.