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capitales de l’amérique du sud

des Amazones. Le manque de communications rapides n’a pas encore donné aux semences des villes qui attendent dans le sol l’occasion de germer et de se transformer en autant de Saint-Louis et de Chicago, mais elles sont bien là, capitales virtuelles, pour ainsi dire, où l’humanité tiendra aussi ses grandes assises. Actuellement, l’humble agglomération de Cuyaba est le point qui semble avoir le plus de chances d’être l’une de ces Babylones futures ; plus à l’est, Goyaz émet aussi quelque prétention à la première place.

un groupe de marins brésiliens

Le rôle ethnique de l’Amérique du Sud — comme celui de l’Anahuac, mais en des proportions beaucoup plus vastes — est de mélanger des éléments d’origines différentes et de les unir en une seule race. A cet égard, la république brésilienne est la plus belle usine de la planète : le nom d’officina gentium, qui fut jadis donné à l’Asie mongole et turque, serait bien plus justement appliqué au Brésil, où les types considérés comme se trouvant aux deux extrémités du genre humain, les blancs et les noirs, se fondent incontestablement en un type croisé ayant des qualités nouvelles. C’est là un fait d’ordre capital, dans l’histoire naturelle de l’homme, fait que l’on n’a peut-être pas mis suffisamment en lumière, par suite d’un instinct de vanité irraisonnée qui porte la plupart des blancs, et les savants eux-mêmes, à imaginer que la pureté de leur sang est un privilège précieux à maintenir. Or, s’il est vrai que les fils des anciens esclaves, qui constituèrent au temps du régime impérial le quart de la population totale, entre peu à peu dans la masse de la nation pour