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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

diversement les traditions religieuses et les pratiques industrielles de la réclame sur le vieux fond animiste et magique que l’on appelle le « spiritisme ».

Les îles de Cuba, de Porto-Rico, de Haïti-Saint-Domingue, de la Jamaïque, la traînée des petites Antilles, le grand territoire triangulaire de la République mexicaine forment la transition géographique et politique entre les Etats-Unis et la partie méridionale du Nouveau Monde. Mais c’est au point de vue matériel seulement, par les relations commerciales, l’application des procédés industriels, la constitution de sociétés financières, que le rapprochement s’est fait et se continue sous l’influence évidente et exclusive des Américains yankees. Car le contraste est encore fort grand pour les mœurs, le genre de vie, l’idéal. Sans doute il ne manque point au Mexique ni dans les républiques sud-américaines de jeunes gens élevés aux Etats-Unis qui s’évertuent superbement à copier leurs éducateurs : toutefois ces individus constituent une exception et, d’ailleurs, ils trouvent en face d’eux des adversaires qui, eux aussi, ont fait leurs études dans les universités du Nord et y ont précisément puisé des forces pour maintenir leur originalité latine contre l’invasion menaçante. Quant à la masse des nations ibéro-américaines, elle reste absolument réfractaire à l’esprit des visiteurs de langue anglaise et le sentiment manifesté à leur égard est celui de l’hostilité. On est étonné de voir comment, dans le territoire même que les Etats-Unis se sont annexé en 1848, les habitants du Nouveau-Mexique, d’origine espagnole métissée, ont résisté au travail d’assimilation, et pourtant ils étaient cinquante mille à peine lors de la conquête, une goutte dans l’Océan.

Le fait essentiel dans la culture mexicaine, comparée à celle des Etats-Unis anglo-américains, est que l’élément ethnique dominant est de source aborigène. Les Yankees sont avant tout des colons européens ; les Mexicains, pris en masse, sont plutôt des Indiens que le levain de la civilisation européenne, apporté par les Espagnols, a modifiés peu à peu, tandis que le métissage les transformait en une race nouvelle. Quelques voyageurs ont pu se tromper à cet égard parce qu’ils séjournaient surtout dans la capitale et dans les riches plantations où des blancs de race plus ou moins pure avaient la haute main. Ayant constaté tout d’abord que l’initiative première provenait des Européens et de leur