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l’homme et la terre. — russes et asiatiques

Russie fût intervenue, tous progrès, en science et en industrie aussi bien qu’en art, avaient pour patrie originelle les plateaux limités au nord par le Caucase transcaspien, et, du côté de l’est, cette même civilisation eut une telle influence que plus de deux cents millions d’individus parlent dans l’Inde des langues dérivées du persan pour une large part : les Anglais furent même sur le point de faire de l’hindoustani le parler officiel de toute la péninsule. Que serait-ce donc si, au lieu d’apprécier seulement l’influence exercée par la nation persane depuis Mahomet, on embrassait, dans le cycle de l’œuvre iranienne, toutes les populations qui se glorifient d’avoir pour idiomes des langages provenant de celui des Aryens protohistoriques ! Ce n’est plus alors l’Orient, mais le monde entier qui aurait subi l’action prépondérante des peuples ayant vécu là-haut sur les terres iraniennes. Les Persans actuels, en y comptant les allophyles de toute race, ne sont probablement qu’au nombre de sept millions, et tous les Européens, Américains, Australiens, Hindous qui se réclament directement, à tort ou à raison, du sang aryen, tous ceux aussi qui, en justice parfaite, peuvent du moins affirmer qu’ils appartiennent à la même sphère de rayonnement intellectuel représentent une multitude cent fois supérieure à celle de l’Iranie, au moins sept cents millions d’individus. On pourrait y ajouter les cinq cents millions d’habitants de l’Asie orientale, puisque ceux-là aussi, par l’intermédiaire des Bak ou « Cent familles », ont reçu l’impulsion première des immigrants d’Elam, c’est-à-dire des montagnards iraniens[1].

Enfin, en présageant le cours de l’histoire, tel qu’il s’annonce dans un avenir prochain, comme si les événements étaient accomplis déjà, n’est-il pas de toute évidence que tous les peuples de la terre se dirigent dans le sens indiqué par le mouvement des idées aryennes ? La civilisation contemporaine dans son ensemble, avec son cortège de sciences et de philosophies, ne peut se concevoir autrement que rattachée par mille liens au monde aryen, et, par conséquent, nous avons tous à considérer comme une patrie des âmes cette haute terre du continent asiatique, où se parle la langue originale de notre pensée commune.

La situation humiliante que la Perse occupe parmi les États ne diminue aucunement l’importance virtuelle de la contrée dans l’ensemble géographique de l’Ancien Monde, et, quand les peuples ne

  1. Terrien de la Couperie, passim. — Voir premier chapitre du tome III.