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l’homme et la terre. — internationales

vidus et des groupes auxquels les gouvernements, contraints par la force de l’opinion publique, ont dû fournir des moyens d’exécution. C’est ainsi que les marins de toutes les nations échangent les nouvelles par des signaux compris de tous. C’est ainsi que les contagions, peste ou choléra, sont arrêtées au lieu d’origine, et que l’état du baromètre étant télégraphié d’observatoire en observatoire, on dresse, chaque jour depuis 1863, la carte des pressions atmosphériques, base de toute prévision du temps. Et ce ne sont là que d’insignifiants résultats de l’entente mondiale en comparaison de ceux que tant de philanthropes attendent de l’arbitrage ! Il est vrai que, pour le moment, ils s’y prennent fort mal, s’entendant pour choisir comme arbitres les personnages dont l’objectif est directement opposé à celui des nations, les maîtres qui vivent en parasites de la moelle du peuple et dont l’intérêt immédiat est de le tenir en esclavage. Lorsque la conférence de La Haye se réunit en 1899, les inspirateurs de ce Congrès international avaient cru témoigner d’une habileté géniale en faisant lancer les invitations par le tsar, celui de tous les hommes qui, par le titre et l’illusion des pauvres d’esprit, se rapproche le plus de la majesté divine. On s’imagina béatement que la paix universelle avait grande chance de se réaliser parmi les peuples puisque l’empereur de toutes les Russies se déclarait partisan de la conciliation universelle. Mais au moment même où le tsar convoquait les délégués des puissances à se réunir sous sa grande ombre, il appelait sous les armes de nouvelles forces militaires, décrétait l’accroissement de sa flotte et le renforcement de son artillerie. En même temps, comme pour rassurer les États conquérants en appétit d’annexions, on se garda bien d’appeler à la réunion les représentants des peuples menacés : les envoyés des républiques sud-africaines, auxquelles l’Angleterre faisait alors une guerre indigne, ne furent point admis ; de plus, par « convenance internationale », le représentant de Dieu sur la terre, celui dont la mission est de prêcher la paix parmi les hommes, fut oublié de la liste des invitations. La conférence de La Haye, en dépit de son illustre patronage, ne fut donc qu’une comédie politique, et pourtant, il ne faut pas moins la considérer comme un signe des temps, car, si l’opinion des hommes qui pensent n’avait conclu à la nécessité de substituer l’arbitrage à toutes les violences de la guerre, on ne se serait pas mis en peine pour lui donner le change.