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l’homme et la terre. — internationales

d’abord à terroriser la population de Paris ; puis, quand la roue de la Fortune eut tourné et que l’empire fut tombé, aux acclamations des républicains, quand le monde contempla de loin avec un sorte de stupeur le spectacle des cités françaises et surtout de la capitale exultant d’enthousiasme à la nouvelle d’un désastre, mais d’un désastre qui les débarrassait d’un maître, tout l’organisme militaire changea aussitôt d’allure et d’orientation. Tandis que les gardes nationales et les corps francs se constituaient rapidement pour prendre part à la résistance, ceux qui appartenaient à la caste militaire se désintéressaient de la lutte ; des maréchaux, comme Bazaine, réservaient leur armée, dans l’espoir de rétablir l’empire ou d’aider à quelque réaction monarchique ; d’autres grands personnages militaires ne se battirent que pour la forme, et plus d’un dans le désir d’être vaincus. Une franche inimitié, encouragée par les chefs, régna bientôt entre les soldats réguliers et les citoyens sans mandat qui avaient la prétention de se défendre sans avoir passé par la caserne et les salles de police : il ne fallait de victoire à aucun prix, puisqu’elle eût profité à la République avec toutes ses conséquences sociales. La France étant désunie, sa défaite devenait inévitable, et l’on peut s’étonner que la résistance ait duré si Longtemps. Ceux qui n’avaient pas voulu la guerre furent ceux qui prolongèrent la lutte et défendirent la cause de la France, devenue celle de la République, avec le plus d’acharnement.

Les troupes impériales furent rapidement culbutées en Alsace et sur la frontière de Lorraine. Après d’effroyables tueries, l’armée de Bazaine, forte de 170 000 hommes, se laissa enfermer dans Metz, d’où elle n’essaya point de sortir, livrée d’avance par ses chefs, et le 2 septembre, une quarantaine de jours après la déclaration de guerre, une autre grande armée, cernée devant Sedan, essaya vainement de s’ouvrir un passage. L’empereur était prisonnier, l’empire était tombé : tout semblait déjà fini, mais la République ne voulait pas s’avouer vaincue. De nouvelles armées surgirent du sol. Paris, que Thiers, trente années auparavant, avait environnée de forts pour la bombarder en cas de révolte, voulut quand même les utiliser contre l’ennemi, malgré son gouvernement, qui se préparait à la fuite, et les Prussiens durent faire une longue et pénible campagne d’hiver, poussée jusque dans le voisinage de Besançon, de Bourges, de Rennes, occuper environ la moitié de La France, avant que l’opinion publique permit au gouvernement de s’incliner devant le droit de la force et de signer les préliminaires de la paix qui devait