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guerre de l'opium

de la majesté que lui donnaient la longueur de sa durée, la grandeur de son passé, l’étendue de son domaine, l’immensité de ses populations, mais il lui manquait la force d’initiative, et cette force appartenait aux insolents étrangers qui commerçaient dans ses ports. Ces « barbares aux cheveux roux », qui étaient pour la plupart des Anglais à blonde chevelure, méritaient en effet le nom de barbares, leur métier consistant surtout à introduire par contrebande la funeste drogue de l’opium, recueillie dans leurs plantations des Indes. Au point de vue moral, l’attitude de la Chine, refusant d’empoisonner son peuple, était certainement la plus digne, et la Grande Bretagne avait mauvaise grâce à parler de sa culture supérieure en imposant à ses clients l’usage du poison sous peine de bombardement et d’assaut. D’ailleurs ce crime politique ne présente rien d’exceptionnel dans l’histoire de l’humanité. Le torrent circulatoire de la vie internationale roula toujours des flots impurs, et quelle est la nation commerçante d’Europe qui n’ait pas à se reprocher d’avoir vendu aux peuples étrangers, avec des marchandises diverses plus ou moins utiles, les eaux de vie frelatées et autres funestes produits ?

Cabinet des Estampes.Bibl. Nat.

traversant l’estuaire du si-ho

C’est en 1839 que commença la guerre dite de l’opium, et naturellement elle eut pour premier théâtre l’estuaire de Canton, l’escale la plus méridionale de l’empire, qui est en même temps la plus rapprochée de l’Europe et de ses colonies asiatiques dans l’Inde et l’Insulinde. Toute-puissante sur mer où les jonques chinoises, lourdes et maladroites, ne se hasardaient que pour se faire couler à fond, la flotte anglaise put