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l’homme et la terre. — nationalités

répression. En même temps que les vainqueurs de juin avaient réduit au silence pour un long temps les revendications du socialisme, ils avaient transformé la république en une servante des monarchies de droit divin ; en France, sous un faux nom, « Présidence », l’Empire fut bientôt fait.

En Angleterre, le mouvement de réaction s’était accompli parallèlement, et même d’une manière plus complète, puisque l’agitation « chartiste » avait été étouffée sans que le Parlement eût recours aux grands moyens de bataille ou de massacre. Privée de ses deux champions, l’Europe redevenait désormais la proie de ses oppresseurs traditionnels : un reflux général succédait au flot que la Révolution avait propagé à travers le monde.

Le Parlement de Francfort se débattait au milieu de difficultés inextricables ; il avait à grouper en une fédération des monarchies absolues ! puis à s’occuper des frères allemands non représentés à la diète, tels ceux du Schleswig et ceux des bords de la Vistule, et de bien d’autres problèmes, insolubles par lui. En réalité, le Parlement, dominé par l’antagonisme des deux pouvoirs forts — la Prusse et l’Autriche —, n’était qu’un instrument dans la main des princes fédérés qui laissaient passer l’orage révolutionnaire. Les Allemands qui, au nom de l’unité germanique, s’étaient déjà établis victorieusement dans le Schleswig évacuèrent leur conquête, et les barricades élevées dans les rues mêmes de Francfort (18 septembre) furent déblayées sans peine. Pour comble d’humiliation, le Parlement finit par choisir comme empereur d’Allemagne ce même roi de Prusse qui, pendant toute la période révolutionnaire, avait affecté d’ignorer l’assemblée, qui en avait contrecarré sournoisement toutes les décisions. Et cette fois encore, le roi ne fit point aux délégués de la nation l’honneur d’accepter leur offre : ce n’est point au populaire, à la bourgeoisie qu’il consentait à devoir l’empire ; seuls, les autres princes, ses cousins et ses frères, lui paraissaient être en droit de donner la couronne impériale. Il n’admettait pas que la transformation se fit par en bas, elle devait se faire par en haut. Et des historiens commentateurs ajoutèrent qu’il ne fallait pas que cette grande révolution de l’unité nationale s’accomplît dans l’accord et la paix, mais suivant l’antique méthode de l’histoire, « par le fer et par le feu ».

Du moins le Parlement de Francfort ne fut pas massacré. La plupart