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l’homme et la terre. — le dix-huitième siècle

lieu de prévenir ou de réprimer toute tentative de restauration de la part des représentants de l’ancienne dynastie des Stuart. Incessamment s’ourdissaient de nouvelles conspirations dirigées par d’infatigables jésuites disposant de toutes les forces occultes de l’Église. Le danger ne fut définitivement écarté qu’en 1746 : Charles-Édouard, le fils du prétendant Jacques III, ayant débarqué en Écosse, occupa le château d’Édimbourg et pénétra en Angleterre, mais il dut bientôt rebrousser chemin et sa petite armée fut anéantie dans les landes de Culloden. Les massacres, l’échafaud, les cachots, les confiscations donnèrent raison au loyalisme d’introduction récente sur le loyalisme traditionnel.

Désormais débarrassée de la question d’Écosse et n’ayant plus à craindre que les rancunes de l’Irlande, non suivies d’effet, la puissance britannique pouvait s’exercer librement dans le monde et notamment dans les Indes orientales. L’influence du Portugal y avait rapidement faibli, et, d’ailleurs, n’avait pas dépassé le versant occidental des monts. À cette époque la domination de l’Hindoustan, du golfe de l’Indus jusqu’à celui du Bengale, appartenait à la dynastie dite du « Grand Mongol » qui s’était emparée de Delhi dans la première moitié du seizième siècle et qui avait fait de cette ville un lieu somptueux où venaient s’amasser les richesses prélevées, de l’Himalaya au Dekkan, sur une population de peut-être cent millions d’hommes. Dans le reflux de la civilisation iranienne qui s’était portée sur l’Inde avec le sultan Baber et son cortège de Mongols et de Tartares iranisés, les villes hindoues occupées par le Grand Mongol avaient singulièrement profité de l’art des constructeurs persans : les cités du nord-ouest, où ils avaient établi le siège de leur puissance, montrent encore d’admirables constructions de cette période, tours, palais, forteresses, édifices qui, du reste, ne sont point sans mélange d’éléments hindous, et même européens puisque le principal décorateur du fameux Tadj Mahal fut, nous disent les annales, le Bordelais Austin. Les plus beaux monuments d’Agra datent du temps de Rubens, de Poussin, de Velasquez (Roger Peyre).

La force d’appel exercée par cette magnifique cour du Grand Mongol, avec ses trésors remplis de métaux précieux, de diamants et de perles, attira de très nombreux voyageurs d’Europe, parmi lesquels des savants, tels que le médecin Bernier qui séjourna plusieurs années auprès de l’empereur Aureng Zeb : des compagnies financières, soutenues par des