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l’homme et la terre. — le roi soleil

du Sud et du Nord, de l’Autriche et de l’électorat de Brandebourg, destiné à devenir, en 1701, le royaume de Prusse, avait pratiquement dissous l’empire germanique, et le fragment le plus considérable qui en restât, l’Autriche, avait fort à faire pour se maintenir contre les Turcs qui se trouvaient encore animés de fureur conquérante.

La Turquie était bien affaiblie depuis un siècle, c’est-à-dire depuis l’époque où les flottes de Soliman le Magnifique dominaient dans la Méditerranée. L’expansion turque vers l’Occident avait cessé depuis l’inutile siège de Malte, en 1565, et la bataille de Lépante, en 1571, et les sultans, s’enfermant dans leurs palais, entourés de conspirations et d’intrigues, avaient chargé leurs mercenaires de poursuivre l’œuvre de la conquête. Néanmoins, l’Allemagne était encore bien plus épuisée que la Turquie, et le grand vizir Kara-Mustapha, « Mustapha le Noir », maître du vaste hémicycle entre les Alpes et les Carpates, vainqueur de toutes les armées autrichiennes en rase campagne, osa même se hasarder contre Vienne, la capitale de l’empire (1683).

Kara-Mustapha échoua devant Vienne, au secours de laquelle Sobieski, le roi de Pologne, s’était élancé : la deuxième attaque ne fut pas plus heureuse que ne l’avait été celle de Soliman en 1529, et de nouveau le reflux commença. La retraite des Turcs entraîna pour eux la perte de Bude et d’une grande partie de la Hongrie, puis, après la bataille de Mohacs (1687), il leur fallut évacuer la Slavonie et la Croatie. Les Impériaux pénétrèrent jusque dans Belgrade. À la fin du siècle, la paix de Carlowitz obligeait les Turcs à livrer la Hongrie et la Transylvanie aux Autrichiens, Azov aux Russes, l’Oukraine et la Podolie aux Polonais, le Péloponèse aux Vénitiens : c’était en superficie et en population plus du tiers de leur empire d’Europe. D’autres conflits aux vicissitudes changeantes se succédèrent pendant les années suivantes jusqu’à la paix de Passarowitz (1718), qui assura la position dominante de l’Autriche dans les contrées du Danube, en dehors de l’Allemagne. Ainsi le centre de gravité de l’Empire s’était porté de l’Occident vers l’Orient.

D’étranges événements avaient impliqué la Suède et la Russie dans ces guerres danubiennes : les royaumes lointains du nord prenaient également leur part dans les grands mouvements de l’histoire d’Europe. Déjà la Suède, comme puissance protestante embrassant en son domaine de vastes territoires germaniques, avait été entraînée dans