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l’homme et la terre. — le roi soleil

leur servaient surtout à recruter leurs ateliers d’esclaves et leurs harems ; une part des captifs était rachetée et la somme des rançons enrichissait le trésor du dey, tandis que les gens capturés en tout pays constituaient cette population hybride des « Maures » qui remonte par sa généalogie à toutes les races de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie. Les corsaires d’Alger, participant au mouvement général qui entraînait les marins dans la direction de l’Ouest, osèrent aussi franchir le détroit de Gibraltar et faire de soudaines descentes sur les côtes océaniques. On les vit en Irlande, où ils détruisirent la ville de Baltimore ; en 1627, ils apparurent même dans la « Terre des Glaces », et l’île principale de l’archipel Westmann fut par eux complètement nettoyée de sa population et de tout ce que ses cabanes avaient en objets de valeur[1]. C’est en vain que la Grande Bretagne, au fort de sa puissance, canonna les forts d’Alger. D’autres attaques des Hollandais et des Anglais unis, en 1669 et 1670, furent également inutiles. Les Français, ayant des intérêts plus immédiats à défendre, puisque les côtes du Languedoc et de la Provence font face à celles de la Maurétanie, mirent plus de suite dans leurs attaques, et finalement, en 1687, Alger, en grande partie brulée, fut réduite à demander une paix, d’ailleurs mal observée. Cette exécution créa pour la France une sorte de droit politique dont elle profita, un siècle et demi plus tard, pour substituer son pouvoir à celui des souverains mahométans.

La paix relative dont la France avait joui pendant les dernières années du seizième siècle et la première moitié du dix-septième, avait renouvelé son avoir en hommes et en ressources. Elle était redevenue assez riche pour reprendre ses habitudes de prodigalité. Lorsque le fils d’Henri IV, Louis XIII, mourut, quelques mois après Richelieu, l’homme de puissante et tenace volonté qui l’avait toujours mené à la lisière, la France avait conquis l’hégémonie parmi les puissances de l’Europe continentale. Le successeur de Richelieu, également un prêtre, le cardinal Mazarin, continua la politique du maître qu’il avait servi, sans apporter dans ses actes la même audace ni la même volonté, mais avec plus de cautèle et de souplesse, et d’ailleurs, avec le même succès ; il eut pourtant à lutter contre de très grandes difficultés et, plus d’une fois, on put le croire vaincu, puisqu’il fut obligé de s’exiler temporairement,

  1. Olafson et Palsson, Voyages.