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l’homme et la terre. — le roi soleil

l’une des grandes perles antiliennes, dont les marchands anglais s’empresseront de faire aussitôt le principal marché de nègres pour le recrutement des esclaves dans les plantations d’Amérique. Enfin, l’Angleterre atteignit un tel degré de puissance maritime qu’elle put même se brouiller avec les Provinces Unies par l’acte de « navigation » publié en 1651, qui réservait tout le commerce des îles Britanniques aux seuls navires anglais. Après trois années de conflit sur mer, les Hollandais furent obligés d’accepter les dures conditions du vainqueur ; la Grande Bretagne était désormais la seule puissance à pouvoir se dire la « Reine de la mer ».

Et cependant, par un contraste assez naturel, tandis que les navires de l’Europe occidentale, et surtout ceux des États du Nord, anglais et hollandais, pratiquaient de plus en plus le chemin de l’Océan, la Méditerranée, qui avait été jadis la « mer » par excellence, se dépeuplait presqu’entièrement. Les embarcations espagnoles et italiennes n’osaient plus s’aventurer dans les eaux orientales, où dominaient les Turcs, et ceux ci redoutaient de pénétrer dans les parages occidentaux. Seuls, les pirates de la Méditerranée, profitant de la terreur superstitieuse que leurs mœurs barbares avaient répandue, rodaient le long des côtes, prompts à s’emparer des pécheurs qui s’attardaient à rentrer au port, des bergers et des troupeaux, de la rive auxquels ils avaient pu couper la retraite. Les habitants des rivages maritimes, même ceux des villes, saisis de frayeur, avaient abandonné leurs habitations côtières pour s’établir sur les promontoires du guet, dans l’enceinte de hautes murailles où ils s’enfermaient à la moindre alerte. La navigation de commerce, devenue timide, diminuait de plus en plus, et, comme toujours, trahie par les gouvernements « protecteurs ». fut même officiellement interdite : pendant une partie du dix septième siècle, tout commerce de la France avec la Maurétanie resta supprimé par ordre d’en haut. Il est certain que le mouvement de recul en civilisation dont tout le monde oriental avait été frappé depuis le renversement de Bysance avait tendance à se reproduire aussi sur le littoral méditerranéen de l’Ouest ; à certains égards, les populations côtières avaient rétrogradé jusqu’à l’époque pré-phénicienne. On s’étonne que l’audace et le succès des corsaires mahométans aient grandi précisément aux temps où les nations chrétiennes avaient déjà conquis l’immensité de la rondeur terrestre par leurs voyages de circumnavigation. Ce phénomène historique ne peut s’expliquer que par le