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l’homme et la terre. — le roi soleil

surtout en Italie et en Espagne[1] ; en même temps, il participait à l’esprit général d’aventure pour se livrer aux élans d’une imagination qui ne fut jamais dépassée en ampleur ni en audace. De nos jours le nom de Shakespeare n’a point d’égal parmi ceux des écrivains dramatiques, et, cependant, le chaos des événements politiques le fit presque complètement oublier pendant plus d’un siècle : pour constituer une histoire plus ou moins probable de la vie du grand homme, les commentateurs de son œuvre ont eu recours aux suppositions les plus hasardées.

L’expansion morale de l’Angleterre et l’influence de son langage, de ses idées, de son individualité politique sur l’Écosse, sa voisine du nord, devaient amener l’alliance intime des deux nations et la pénétration mutuelle de leurs intérêts généraux, malgré les souvenirs haineux des anciennes guerres et les ambitions rivales des grandes familles. Déjà l’ascendant de l’Angleterre s’était manifesté d’une manière si puissante que la reine d’Écosse, Marie Stuart, fuyant la révolte de ses sujets, implora asile de sa cousine Elisabeth qui la détint prisonnière pendant dix neuf années, et finalement scella du sceau royal la condamnation à mort prononcée par le Parlement protestant contre la catholique Marie, protégée du pape (1587). L’Écosse et l’Angleterre puritaine, presbytérienne et même anglicane, se trouvaient alors unies de la même haine contre la religion des aïeux et la reine qui lui était restée fidèle. Puis, quand Elisabeth mourut à son tour (1603), le roi d’Écosse Jacques VI, fils de Marie la décapitée, fut accepté comme roi d’Angleterre, sous le nom de Jacques Ier. La loi de succession au trône et la volonté de la reine Elisabeth l’avaient ainsi décidé, et les Anglais, pleinement conscients de leur suprématie politique et sociale, n’y mirent aucun obstacle. Les royaumes séparés d’Angleterre et d’Écosse devinrent la Grande Bretagne désormais unie, et le souverain, émigré d’Édimbourg à Londres, eut maintes fois l’occasion d’apprendre à ses dépens combien le milieu avait changé autour de lui.

Au commencement du dix-septième siècle, la crise du protestantisme se trouvait presque entièrement terminée dans les trois principales contrées de l’Europe occidentale, sinon dans ses conséquences sociales,

  1. H. J. Mackinder, Britain and the British Seas, p. 21.