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l’homme et la terre. — colonies

empressés de se faire chrétiens, d’entrer dans le giron de l’Église universelle ; mais en fait on les traita plus durement que les nègres, parce qu’ils étaient plus faibles, La répartition du pays en grands domaines que le roi concédait à des personnages civils ou religieux, entraînait la distribution du peuple en chiourmes de malheureux que l’on accablait de travaux et que les maladies contagieuses apportées d’Europe enlevaient par villages, par districts entiers. La race pure semblait destinée à disparaître et ne s’est maintenue réellement qu’en des pays écartés. Parmi les civilisations locales qui s’éteignirent presqu’entièrement, on peut citer celle des Zapotèques, les immortels terrassiers qui remodelèrent en plate formes et en pyramides des montagnes entières sur des kilomètres carrés d’étendue, les habiles constructeurs des palais de Mitla, les architectes qui égalèrent ceux des meilleures époques de la Grèce et de Rome par la perfection dans la coupe et l’arrangement des pierres[1]; près de quatre siècles après le passage des ravageurs, on découvre avec étonnement ces belles ruines, avec leurs hiéroglyphes et leurs décorations admirables[2]. L’Anahuac aurait été complètement dépeuplé si les immigrants espagnols, à l’imitation des Cortez et des autres conquistadores, n’avaient en très grande majorité pris des Indiennes pour femmes et si la nation ne s’était métissée à fond, remplaçant les Nahua d’origine pure par des hommes de sang mêlé, rattachés à la fois à la souche des aborigènes et à celle des Espagnols qui représentent eux-mêmes tant de mélanges ethniques.

Ces unions de race à race contribuèrent pour une bonne part à conserver le trésor des anciennes légendes et facilitèrent la reconstitution des souvenirs nationaux depuis une époque lointaine précédant la conquête d’environ un millier d’années. À cette époque, les Mexicains ou Aztèques, de race « nahuatl » comme les indigènes de l’Amérique Centrale, constituaient déjà une nation ayant conscience d’elle-même et possédant une véritable unité de civilisation, répondant à l’unité géographique du plateau d’Anahuac. Les progrès scientifiques des habitants s’étaient accomplis d’une manière parfaitement originale, sans intervention des influences asiatiques imaginées par un grand nombre d’auteurs[3]. Non seulement les Mexicains avaient les métiers qui indiquent

  1. Viollet le Duc ; — Charney, Cités et Ruines américaines.
  2. W. H. Holmes, Archelogical Studies among the ancient Cities of Mexico.
  3. Cyrus Thomas ; — Alfred Chavers, etc.