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l’homme et la terre. — réforme et compagnie de jésus

ment populaire prouvant combien peu les pauvres et les opprimés des villes associaient leurs espérances au triomphe des protestants, c’est dans la foule des cités que la « ligue » des catholiques intransigeants trouva ses éléments les plus fanatiques.

Néanmoins, ce siècle de discordes, de luttes intestines, de haines et de massacres fut un siècle pendant lequel la nation, pleine de vie et d’élan, se développa d’une manière remarquable dans les sciences, les arts, la culture et la belle floraison de sa langue. C’est alors que la Renaissance italienne se fit française, représentée même par quelques-uns de ses plus glorieux artistes, tels que Léonard et le Primatice ; alors aussi la France eut de merveilleux sculpteurs, entr’autres Jean Goujon, et le plus grand de tous les écrivains qui, dans la série des siècles, illustrèrent le beau parler français, Rabelais, l’admirable « abstracteur de quintessence ». Le génie national, manifesté pendant le seizième siècle avec tant d éclat, témoigne de la désorganisation du pouvoir à cette époque. Église et royauté, en leurs constantes incertitudes, n’avaient pas la force nécessaire pour dominer et mater la nation qui de toutes parts cherchait une issue à sa volonté d’agir.

Certes, François Ier aurait bien aimé exercer son autorité d’une manière absolue, mais les événements ne le servirent point à souhait. D’abord, attiré comme ses prédécesseurs dans le roman des guerres d’Italie, il alla y remporter des victoires inutiles, puis y subir d’irréparables défaites qui l’obligèrent a implorer le secours de son peuple pour payer sa rançon. Les guerres presque continuelles avec Charles Quint et, même durant les rares trêves, ses intrigues de rivalité l’entrainaient à une politique contradictoire, enlevant toute suite à ses idées : il devait chercher pour alliés à l’étranger précisément les amis de ceux qu’il persécutait dans son propre royaume. De cette incohérence de projets et d’événements, à laquelle venait se mêler le contre-coup des révolutions intérieures, surgissait une situation d’anarchie propice aux initiatives individuelles : le génie libre et la joyeuse fantaisie naissaient de l’impuissance de la royauté et de l’affaiblissement de l’Église.

La division de l’Allemagne en de nombreux États à l’équilibre instable favorisa le mouvement de la Réforme, qui, d’ailleurs, trouvait en cette partie centrale de l’Europe son milieu naturel. C’est là que la religion nouvelle prit le nom général de « protestantisme », appliqué encore à ressemble des sectes dérivées, même à des communautés qui,