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l’homme et la terre. — réforme et compagnie de jésus

putée de la Péninsule et la coopération du clergé était indispensable à l’œuvre d’expulsion des Maures : la royauté espagnole n’était forte que par l’Eglise.

Quant à l’Italie, épuisée par ses efforts antérieurs, elle se trouvait également en pleine période de réaction, le sol, en friche et comme brûlé, ne pouvant plus alimenter de moissons nouvelles. Même ce qui avait été l’exubérante Florence n’était plus qu’une morne cité sans vie morale et sans espérance. Devenus les maîtres absolus de ce qui avait été la république des hommes libres, les Médicis avaient pris soin de rejeter dans la torpeur les citoyens si mobiles et si ingénieux de la noble ville ; pour en faire des sujets fidèles et les soustraire à la propagande hérétique, ils avaient interdit les voyages à ces fils de voyageurs « incompressibles » que l’on avait comparés au « cinquième élément ». Ils réussirent à parquer les Florentins, à les embastiller pour ainsi dire, et ceux-ci, cessant de connaître le monde extérieur, furent également ignorés de lui. A part quelques familles de Toscans exilés, de Ferrarais fugitifs et de montagnards vaudois, héritiers de l’ancienne « noble Leyczon ». l’histoire de la Réforme signale à peine quelques noms italiens.

Il est certain que l’influence des cadres ecclésiastiques, l’éducation cléricale propre à chaque Eglise et l’interpénétration, l’alliance plus ou moins intime des éléments de même dénomination ont eu pour conséquence de différencier et d’opposer en un contraste net et même violent des populations limitrophes, distinctes par la confession religieuse. La Suisse en offre un remarquable exemple par ses contours catholiques et protestants dont les délimitations respectives ont été tracées, ici par des seigneurs féodaux ou des aristocraties locales, là par des communautés victorieuses : primitivement les voisins se ressemblaient fort sous le gouvernement du même clergé ; maintenant ils diffèrent beaucoup, même par des traits de caractère que l’on serait tenté d’attribuer à une différence de race ; or, l’histoire nous démontre que, dans la plupart des districts, il y eut identité d’origine.

En France, comme dans les Alpes italiennes tributaires du val de Pellice, la Réforme trouva quelques districts écartés dont les populations, protestantes avant le protestantisme, furent aussitôt annexées au monde plus vaste de tous les « frères en la foi » ; les Dauphinois de la Vallouise et autres vallées avoisinantes, de même que diverses com-