Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
292
l’homme et la terre. — la renaissance

de villages, leur provision de bois. Le passant pouvait jeter, au moins une fois, son filet dans le ruisseau ou l’étang commun, le cavalier, le charretier, traversant le pays pendant la moisson, emportaient leur gerbe ou même davantage. Le voyageur dont les bêtes étaient fatiguées demandait le fourrage ou le remède nécessaires, et la forêt communale fournissait le bois qui devait servir à la réparation du char endommagé. A des époques déterminées, on faisait l’inspection solennelle des terres communales, en processions pédestres ou en cavalcades, bannières déployées, tambours et fifres en tête, suivant un cérémonial que l’on retrouve encore de nos jours en Écosse, quand annuellement on simule l’inspection des bornes du territoire urbain, qu’autrefois le seigneur déplaçait volontiers. À cette époque, un autel était construit sur la limite du champ, l’Évangile y était lu et le curé bénissait la terre de la commune[1].

Les progrès s’accomplissaient si rapidement durant cette période d’équilibre des cités industrielles que le transfert de la propriété se faisait graduellement au profit du cultivateur naguère asservi : le travail menait dans une certaine mesure à l’appropriation du sol. Il était uniformément admis en principe que le laboureur dont les soins avaient assuré une bonne récolte acquérait par cela même droit à la plus forte part des produits ; toute amélioration de la terre devait appartenir à l’améliorateur ; la bonification du sillon nourricier en assurait l’acquisition progressive. La société en arrivait ainsi à reconnaître que les biens affermés au colon devenaient sa propriété légitime, tandis que le droit du ci-devant propriétaire foncier allait s’amoindrissant toujours davantage, transformé à la fin en une simple taxe et garantie de prestations[2].

Il se produisait aussi un phénomène analogue à celui qui a pris de si vastes proportions dans le courant du dix-neuvième siècle, la ruée des paysans vers les cités, où ils trouvent une vie supérieure d’intelligence, plus de chemins ouverts à leur initiative. La passion du savoir se portait à une sorte de fureur. Neuf des universités existant encore actuellement en Allemagne se fondèrent pendant le demi-siècle qui s’écoula de 1450 à 1506 : l’amour de la découverte scientifique allait de pair avec le zèle des inventions matérielles. Mais que de difficultés dans les études ! Que de pauvreté dans l’équipement ! A la fin du quinzième

  1. Grimm, Weisthümer ; — J. Janssen, l’Allemagne à la Fin du Moyen âge, p. 276 et suiv. ; — Maurer, Geschichte der Dorfverfassung in Deutschland.
  2. J. Janssen, ouvrage cité, pp. 393, 394.