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l’homme et la terre. — découverte de la terre

Covilhâo, ambassadeur envoyé au roi d’Ethiopie, qu’on pensait être le fameux « Prêtre Jean » de la légende, avait parcouru l’océan Indien sur des navires arabes, visitant Madagascar, Sofala et la côte occidentale de l’Inde. Le but et les moyens d’y atteindre étaient donc amplement connus, mais le gouvernement portugais avait hésité devant la grosse dépense d’une expédition maritime jusqu’au moment où la découverte et l’exploration des Indes Occidentales par Christophe Colomb eurent mis un terme à tout retard.

Vasco de Gama partit en 1497 avec une escadrille de quatre navires, et sans autre difficulté que d’avoir à lutter contre les forts courants du canal de Moçambique, difficulté dont témoigne encore le nom de cap Correntes que porte un promontoire du littoral, atteignit l’embouchure du Zambèze, le « fleuve des bons Pronostics ». En cet endroit, la jonction des itinéraires maritimes était déjà faite, puisque les marins arabes descendaient plus au Sud, jusqu’à Sofala, dans leurs navigations côtières. Il ne faut point croire que Vasco de Gama et ses compagnons portugais aient dû à leur seul génie et à leur inébranlable volonté d’avoir trouvé les voies de la mer des Indes : c’est grâce aux pilotes arabes de la cote orientale d’Afrique, à ceux mêmes auxquels ils allaient ravir la domination de la mer, qu’ils cinglèrent de port en port, Moçambique, Mombaz, Melindi et qu’ils se firent porter ensuite par la mousson dans le port de Calicut. D’ailleurs, lorsque Vasco de Gama se présenta dans ces mers indiennes, les règles du droit maritime y étaient observées d’une manière plus scrupuleuse que dans les mers européennes : dès la fin du treizième siècle, les navigateurs arabes et malais de religion mahométane y avaient rédigé, « d’après les coutumes anciennes », un recueil de jurisprudence maritime, universellement accepté dans les mers de la Malaisie[1], aussi bien que dans celles de Madagascar et de l’Afrique. Ce sont les chrétiens qui introduisirent les mœurs de la piraterie dans ces parages.

Les rencontres que firent les Portugais sur la côte de Malabar prouvent que, bien avant l’établissement de communications officielles entre les États d’Europe et d’Asie, les simples trafiquants avaient trouvé quand même le chemin des terres lointaines, poussés par la concurrence vitale. Aussi bien sur la côte africaine que sur les rivages du Malabar,

  1. J.-M. Pardessus, Collection de Lois maritimes antérieures au xviiie siècle ; cité par E. Nys, Un Chapitre de l’Histoire de la Mer.