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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

recueil de coutumes colligé par Djenghis-khan. Ce code de l’empire déclarait en termes formels que le peuple assemblé avait le droit et le devoir de déposer des souverains injustes. Dans les premiers temps de la domination mongole, ces garanties constitutionnelles n’étaient point de vaines paroles. Les maîtres, devant qui tremblait le monde, respectaient leurs sujets et veillaient à ce que justice leur fût rendue. Même les sujets appartenant à une race naguère ennemie étaient équitablement traités par eux. On cite l’exemple de l’empereur Ogotaï, fils de Djenghis-khan, qui fit mettre à mort un dénonciateur mongol parce qu’il avait indûment pénétré dans la tente d’un musulman.

Les Mongols, partis de leurs steppes au commencement du xiiie siècle, ramassèrent en route des alliés de toute origine, et peut-être même leur grand chef Temudjin, qui fut élu en 1206 comme « Seigneur des seigneurs », le formidable Djenghis-khan, était-il de race turque. Mais tous les Mongols ne formaient avec lui qu’un corps et qu’une âme. Leur premier choc fut irrésistible. Sortant de leurs steppes natales par la large porte de Dsungarie, ouverte entre Altaï et Tian-chan, ils voyaient s’étendre devant eux tout le vaste espace, sans autre obstacle que les fleuves, se prolongeant à l’ouest jusqu’à l’Oural, au sud jusqu’aux chaînes bordières du nord de l’Iranie et à l’Hindu-kuch. Ils commencèrent par dévaster toutes ces plaines, dont ils rasèrent les cités, remplacées par des pyramides de têtes, et, grossissant leurs forces des populations qui restaient, continuèrent leur route vers l’Asie méridionale et l’Europe. De ce côté, la route est facile, grâce à l’ample « Porte des peuples », ménagée par la nature entre les chaînons divergents de l’Oural et les montagnes du Mogudchar, au nord de la Caspienne.

Dès l’année 1224, Djenghis-khan s’avançait jusqu’aux bords de la mer d’Azov et, renversant toutes les armées qui voulaient lui barrer le passage, subjuguait la Russie méridionale. Puis, en 1237, Batu-khan pénétrait dans le bassin de la Volga à la tête de 300 000 cavaliers et, en moins de trois campagnes, il anéantissait toute résistance. Ensuite il s’attaque à la Hongrie, à l’Allemagne sans être arrêté par un désastre, comme Attila. La dernière bataille (1241), livrée par les Mongols, près de Liegnitz, en Silésie, fut une victoire sur la chevalerie de l’Europe orientale ; toutefois ce triomphe, péniblement acquis, arrêta la marche directe des hordes touraniennes vers l’Occident : elles infléchirent vers le sud, puis, après s’être heurtées, sans la prendre, à la citadelle d’Olmùtz,