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l’homme et la terre. — les monarchies

et des batailles sanglantes livrées entre les Hussites — devenus d’ardents patriotes slaves — et les catholiques allemands des alentours. L’équilibre ne devait se rétablir, au profit du catholicisme et de la maison d’Autriche, que dans la première moitié du dix-septième siècle.

La victoire de l’Eglise sur les novateurs Wiclef et Jean Huss, en Angleterre et en Bohême, de même qu’à une époque antérieure, l’écrasement des Albigeois, témoigne de l’étonnante force de résistance que possédait encore la routine des populations à l’initiative intellectuelle et morale des pionniers de justice : c’est bien la masse profonde des nations européennes qui ne voulut point se prêter au changement, quoique le désordre de l’institution papale fût devenu un véritable chaos et que de toutes parts les bourgeoisies naissantes ou constituées fissent appel à un concile de réformateurs pour mettre fin aux abus monstrueux du gouvernement clérical, aux luttes intestines du clergé, aux excommunications mutuelles des papes et des anti-papes. Les conciles se assemblèrent, à Pise, à Constance, à Bâle ; les prélats siégèrent pendant des années, mais s’ils réussirent à reconstituer l’unité apparente de l’Eglise en la soumettant au pouvoir spirituel d’un seul pontife, ils ne parvinrent point à purifier le catholicisme des pratiques de simonie, des prévarications, des violences, des exactions de toute espèce qui avaient déjà causé les premières tentatives de révolte, et qui devaient amener, dans le siècle suivant, l’explosion définitive de la Réforme. Redevenus les chefs incontestés de l’Eglise, comme princes temporels et spirituels, les papes se crurent désormais tout permis. Les conciles avaient été impuissants contre eux, ne pouvant, en vertu de leurs propres principes, contester au successeur de saint Pierre le gouvernement des âmes.

L’empire germanique était encore plus divisé que l’Eglise et son unité n’était reconnue que temporairement, suivant les intérêts immédiats des grands princes électeurs, des villes et des fédérations de villes qui se livraient des guerres incessantes. L’Allemagne, aux contours vagues, imprécis, moins bien marqués que les frontières naturelles des États qui la constituent, était encore très éloignée de présenter des rudiments d’unité politique : à cet égard, elle était évidemment très en retard sur les contrées de l’Europe occidentale, France, Angleterre, Espagne, dont les domaines géographiques naturels étaient du reste nettement définis.

Malgré les terribles guerres qui les avaient épuisés, malgré leur