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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

une masse sanglante. On montre encore au pied d’Altabiscar l’endroit où le paladin Roland mourut avec ses compagnons ; mais les pierres sous lesquelles fut écrasée son armée ont depuis longtemps disparu sous le tapis de bruyères et d’ajoncs.

Les résultats de nos petits travaux humains sont peu de chose en comparaison des écroulements naturels qui se produisent sous l’action des météores, ou par suite de la poussée intérieure des monts. Même après de longs siècles, les grandes avalanches de pierres présentent un aspect tellement bouleversé qu’elles laissent dans l’esprit une impression d’horreur et d’effroi. Mais quand la nature a fini par réparer le désastre, les sites les plus gracieux des montagnes sont précisément ceux où les escarpements se sont secoués pour égrener des rochers à leur base. Pendant le cours des âges, les eaux ont fait leur œuvre ; elles ont apporté de l’argile, des sables ténus pour reconstituer leur lit et former aux abords une couche de sol végétal ; les torrents ont peu à peu déblayé leur cours en rongeant ou en déplaçant les pierres qui les gênaient ;