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LES ÉBOULIS.

changements se firent avant que le pays fût habité, car la tradition de l’événement ne s’est point conservée. C’est le géologue qui raconte au paysan l’histoire de sa propre montagne.

Quant aux écroulements de moindre importance, à ces chutes de rochers qui, sans changer sensiblement l’aspect de la contrée, n’en ruinent pas moins les pâtures, n’en écrasent pas moins les villages avec leurs habitants, les montagnards n’ont pas besoin qu’on vienne les leur décrire ; ils ont été malheureusement trop souvent les témoins de ces événements terribles. D’ordinaire, ils en sont avertis quelque temps à l’avance. La poussée intérieure de la montagne en travail fait vibrer incessamment la pierre du haut en bas des parois. De petits fragments, à demi descellés, se détachent d’abord et roulent en bondissant le long des pentes. Des masses plus lourdes, entraînées à leur tour, suivent les pierrailles en dessinant comme elles de puissantes courbes dans l’espace. Puis viennent des pans de roche entiers ; tout ce qui doit crouler rompt les attaches qui le retenaient à l’ossature intérieure de la montagne, et d’un coup la grêle