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L’HOMME.

à son esprit. « Malgré la nature, j’ai réussi, pense-t-il ; la cime est sous mes pieds. J’ai souffert, c’est vrai, mais j’ai vaincu, et le devoir est accompli. » Ce sentiment a toute sa force chez ceux qui ont vraiment mission scientifique d’escalader un sommet dangereux, soit pour en étudier les roches et les fossiles, soit pour y rattacher leur réseau de triangles et dresser la carte du pays. Ceux-là ont droit de s’applaudir après avoir conquis la cime ; s’il leur arrive malheur dans leur voyage, ils ont droit au titre de martyrs. L’humanité reconnaissante doit s’en rappeler les noms, bien autrement nobles que ceux de tant de prétendus grands hommes !

Tôt ou tard les âges héroïques de l’exploration des montagnes prendront fin comme ceux de l’exploration de la planète elle-même, et le souvenir des fameux gravisseurs se transformera en légende. Les unes après les autres, toutes les montagnes des contrées populeuses auront été escaladées ; des sentiers faciles, puis des chemins carrossables, auront été construits de la base au sommet, pour en faciliter l’accès, même aux désœuvrés et aux