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LE CRÉTIN.

de saillie en saillie, jusqu’à quelques mètres de l’ouverture ; il revoyait le soleil, les pâturages, les brebis et son chien, qui le regardait avec des yeux fervents. Mais, arrivé à ce rebord, le berger ne pouvait plus monter, au-dessus, la roche était lisse partout et ne laissait aucune prise à la main. L’animal était aussi désespéré que son maître ; se jetant, de çà et de là, au bord du précipice, il poussa quelques aboiements courts, puis, soudain, partit comme une flèche dans la direction de la vallée. Le berger n’avait plus rien à craindre. Il savait que le bon chien allait chercher du secours et que bientôt il reviendrait accompagné de pâtres portant des cordes. Néanmoins, pendant la période d’attente, il passa par d’horribles angoisses de désespoir : il lui semblait que la bête fidèle ne serait jamais de retour ; il se voyait déjà mourir de faim sur son rocher et se demandait avec horreur si les aigles ne viendraient pas lui arracher des lambeaux de chair avant qu’il fût tout à fait mort. Et pourtant il se rappelait parfaitement comment, dans un cas semblable, un « innocent » s’était conduit. Étant tombé au