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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

un seul tronc bas et noueux qui semblait prendre possession de la montagne. Les branches de l’arbre lutteur s’étaient tordues sous l’effort du vent ; mais, solides, ramassées sur elles-mêmes, elles pouvaient encore braver l’effort de cent tempêtes.

Au-dessus de la forêt de sapins et de sa petite avant-garde exposée à tous les orages, croissent encore des arbres ; mais ce sont des espèces qui, loin de s’élever droit vers le ciel, rampent au contraire sur le sol et se glissent peureusement dans les anfractuosités pour échapper au vent et à la froidure. C’est en largeur qu’ils se développent ; les branches, serpenteuses comme les racines, se reploient au-dessus d’elles et profitent du peu de chaleur qui en rayonne. C’est ainsi que, pour se réchauffer pendant les nuits d’hiver, les moutons se pressent les uns contre les autres. En se faisant petits, en ne présentant qu’une faible prise à l’orage et que peu de surface au froid, les genévriers de la montagne réussissent à maintenir leur existence ; on les voit encore ramper vers les sommets neigeux à des centaines de mètres au-dessus du sapin le plus