moins abondant : ils ne peuvent résister aux neiges, aux tempêtes, au froid, que par l’abri qu’ils se fournissent les uns aux autres ; isolés, ils périraient ; unis en forêt, ils continuent de vivre. Mais aussi, que, du côté de la cime, les arbres qui forment la première palissade de défense viennent à céder sur un point, et leurs voisins sont bientôt ébranlés par l’orage et renversés. La forêt se présente comme une armée, alignant ses arbres, comme des soldats, en front de bataille. Seulement un ou deux sapins, plus robustes que les autres, restent en avant, semblables à des champions. Solidement ancrés dans le rocher, campés sur leurs reins trapus, bardés de rugosités et de nœuds comme d’une armure, ils tiennent tête aux orages et, çà et là, secouent fièrement leur petit panache de feuilles. J’ai vu l’un de ces héros qui s’était emparé d’une pointe isolée et de là dominait un immense pourtour de vallons et de ravins. Ses racines, que la terre végétale, trop peu profonde, n’avait pu recouvrir, enveloppaient la roche jusqu’à de grandes distances ; rampantes et tortueuses comme des serpents, elles se réunissaient en
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LES FORÊTS ET LES PÂTURAGES.
