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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

nuages pressés et tourbillonnants. Les nues s’attirent, puis se repoussent ; l’électricité s’amasse dans les vapeurs grossissantes ; un orage éclate, et le monde inférieur se perd sous le tumulte de la tempête.

Une fois déchaîné, l’orage ne monte pas toujours à l’escalade des hauteurs qui le dominent ; il reste souvent dans les zones basses de l’atmosphère où il s’est formé, et le spectateur, tranquillement assis sur le gazon sec des hauts pâturages éclairés, peut voir à ses pieds les nues ennemies s’entre-choquer et tout noyer avec rage. C’est un tableau magnifique et terrible à la fois. Une clarté livide s’échappe de ces masses bouillonnantes ; des reflets cuivrés, des teintes violacées donnent à l’entassement des vapeurs l’aspect d’une immense fournaise de métal en fusion ; on pourrait croire que la terre s’est ouverte, laissant échapper de son sein un océan de laves. Les éclairs qui jaillissent, de nue à nue, dans les profondeurs du chaos, vibrent comme des serpents de feu. Le déchirement de l’air, répercuté par les échos de la montagne, se prolonge en roulements sans fin ; tous les rochers a la fois semblent en-