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LE BROUILLARD ET L’ORAGE.

ils se frangent de brouillards. Tous ces aspects changeants, ces transfigurations lentes ou rapides de la montagne, la font vaguement ressembler à un géant prodigieux balançant sa tête au-dessus des nuages. Bien différentes des sommets immuables aux profils arrêtés que baigne la pure lumière du ciel de l’Égypte, sont ces montagnes que chantent les poèmes d’Ossian : celles-ci vous regardent ; elles sourient parfois ; parfois elles menacent ; mais elles vivent de votre vie, elles sentent avec vous ; on le croit, du moins, et le poète qui les chante leur donne une âme d’homme.

Belle par les vapeurs qui l’entourent, quand on la voit d’en bas à travers une atmosphère pure, la montagne ne l’est pas moins pour celui qui la contemple d’en haut, surtout au matin, quand la cime elle-même plonge dans le ciel et que sa base est environnée par une mer de nuages. C’est bien un véritable océan qui s’étend de toutes parts jusqu’aux bornes de la vue. Les vagues blanches du brouillard se déroulent à la surface de cette mer, non point avec la régularité des flots liquides, mais dans un majestueux désordre où le