que je leur doit pour les soins qu’ils m ont prodigués pendant ma maladie a pu te faire supposer que mes rapports avec M. Fortier étaient ceux de fils à père, certes je t’ai complètement induite en erreur. Non, vraiment, et je ne sais pas si j’ai le droit de dire que j’ai trouvé un ami dans cette famille. Bien que j’y sois depuis plus d’une année, je n’ai jamais cessé d’y être traité comme un étranger qu’on estime, qu’on affectionne même un peu, mais avec lequel on se tient sur la réserve parce que on ne le connaît pas encore et qu’on ne désire pas le connaître. Il n’y a pas d’amitié possible là où il n’y a pas de confidence, or, entre nous, il n’y a jamais eu de confidences, tout au plus quelques petites indiscrétions. Avec ces messieurs, je vis sur le pied de la plus parfaite égalité, et M. Septime chez lequel je demeure est pour moi un bon camarade qui rit, plaisante et raconte des historiettes ; mais à table, il me traite toujours cérémonieusement comme un invité. Avec l’autre de ces Messieurs, j’en suis encore aux profonds coups de chapeau, au serrement de main officiel et au « j’espère que vous allez bien » sacramentel : si je restais vingt ans ici, ce serait toujours la même chose, car je suis un étranger. Dans ces milieux créoles, l’esprit de famille est si puissant que l’on subit à regret tout contact avec les étrangers ; quand on est obligé de les admettre chez soi, on les admet comme un mal nécessaire et, par la cérémonieuse politesse qu’on a pour eux, on leur témoigne journellement qu’il faut bien se garder de se croire chez soi. Ah ! chère mère, combien tu te trompes en pensant que j’ai pu trouver ici une mère, (quand même je l’aurais cherchée) ; c’est à peine si je suis censé connaître Mme Fortier, avec laquelle pourtant je cause gravement et poliment pen-
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