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delles en revenant d’Afrique. Pour les entendre, dépensé mon dernier shelling. Avant-hier donné à une pauvre femme mon dernier half-penny. Vendu de vieux habits à un juif qui les a emportés, oubliant de me payer ce que je n’ai pas su prévoir, moi le fameux. Pauvre comme feu Job, désirant ton retour.

Reçu les 5 thalers de Hickel, sans quoi j’en serais réduit depuis une dizaine de jours à l’extrémité d’aujourd’hui. R. Mannering ne peut rien me prêter ; sans que je le lui aie demandé, il a voulu emprunter 5 guinées à son père, mais tu comprends que non seulement le papa a refusé, mais encore qu’il m’a représenté comme un brigand : « Mon fils, prends garde surtout des hommes d’esprit qui n’ont pas le sou ; ils sont encore plus dangereux que de simples misérables ! » Comme d ailleurs, Mannering donne tout ce qu’il gagne, il ne peut rien me prêter. Ainsi soit-il !

Si je pouvais emprunter, mais ouiche ! il n’y a plus de juifs ! Reviens, car si je voulais vivre à crédit ici, ma délicatesse me dirait d’y rester. Or, ne veux point.

Mon Japon[1], raté de plus en plus, c’était mal commencé et plus malin que je ne supposais. Puis la chambre est si petite et tant d’autres misères. Il faudra je pense, à moins que tu sois riche et reviennes bientôt, tâter des grands moyens. Encore faut-il trouver ces grands moyens.

Salut, prospère, pauvre diable, comment as-tu fait avec P. ?

Élisée.
  1. Sans doute, un premier essai de description géographique ou politique qui, pensons-nous, ne vit jamais le jour.