On a vu qu’Élisée n’avait pu rester à Neuwied. Il avait vite perdu ses dernières illusions sur le milieu des Frères Moraves. À Berlin, Élisée aurait eu les coudées franches, s’il s’était résigné, dans les commencements, à demander plus souvent des subsides à sa grand’mère et à son oncle qui gérait la modeste dot de Mme Reclus, car il ne voulait à aucun prix recourir à son père et à sa mère qu’il savait aussi pauvres que lui. Mais il manqua parfois de pain et fut obligé de vendre jusqu’à ses clefs. Une fois qu’une somme de 200 francs envoyée par sa mère ne lui était pas parvenue, il lui écrivit qu’il voyait dans la perte de cet argent une juste punition de son peu d’aptitude à se suffire personnellement. Il vendit même ses souliers pour payer la cotisation, cependant faible, de 15 francs, exigée pour la fréquentation des cours. Heureusement que sa bonne humeur, sa cordialité, son généreux caractère lui firent bientôt des amis, surtout parmi les ouvriers de Berlin avec lesquels il causait volontiers et qu’il trouvait intelligents et bons compagnons. Il eut aussi des élèves sympathiques, entr’autres le fils d’un baron, très haut personnage, filleul du roi de Prusse. Parmi les professeurs dont il suivait les cours, se trouvait, on l’a vu, Ritter, l’illustre géographe, dont l’enseignement eut une très grande influence sur tout l’avenir de son fervent élève.