La vie des espoirs utopiques et des luttes républicaines était alors devenue trop intense pour qu’ils prissent grand intérêt à la routine professorale de la faculté, d’autant plus que les études qu’ils faisaient parallèlement et contradictoirement dans les bouquins qu’ils se procuraient, leur valaient et au delà l’enseignement banal, sans accent personnel, de la plupart des professeurs a titrés. L’époque poussait à la sincérité de la conduite. Ils ne suivaient donc point les cours, ou les suivaient à peine ; très peu de professeurs pouvaient se flatter de les voir assister régulièrement à leurs leçons, mais ceux-là étaient leurs amis, car la sympathie des sentiments et des idées, le désir profond de la vérité étaient la cause de cette fréquentation relative.
Pendant la plus grande partie de l’année 1849, Élie et ses deux principaux amis, Édouard Grimard et Élisée, vécurent à la campagne, au sommet d’une colline, d’où l’on commande d’environ 100 mètres de hauteur et d’une distance de 4 kilomètres, la ville de Montauban. La Garonne, le Tarn coulent inaperçus dans la grande plaine et, derrière la colline, le ruisseau Tescou serpente en un âpre ravin. D’un côté, le pays est sublime d’ampleur ; de l’autre, il est rude, sauvage, même hostile par le croisement des enclos ; mais les matins ensoleillés, les soirs, les nuits d’étoile et de lune faisaient du « Fort » un lieu d’enchantement, où ils étudiaient à souhait, très souvent étendus sur la terrasse herbeuse, Oken, Schelling, Leroux et Proudhon prenant d’innombrables notes. Un joli bouquet d’aca-