ment ni le maniement de l’argent, ni la langue du pays qu’il aurait à parcourir depuis Strasbourg ; mais il s’en tira à son honneur, et, malgré les exclamations attendries de ses sœurs, quand il leur narrait les incidents advenus, il ne convenait pas d’avoir accompli un acte de courage. Pourtant, comme il l’a dit, à propos d’Élie : « l’enfant savait que trois cents lieues de pays et des frontières de races séparaient des siens Neuwied, sa nouvelle demeure ; il savait aussi que la barrière de séparation serait très effective, son exil très réel, dépourvu de consolation ; ses parents étaient pauvres, et les missives postales coûtaient alors trente-huit sous de port, somme trop élevée pour que la mère pût écrire plus d’une fois tous les deux mois, et fortifier l’enfant d’une bonne parole de tendresse. Le câble était coupé, il fallait se mettre résolument à la besogne, apprendre à penser dans une langue inconnue, s’adapter à des caractères tout différents de ceux auxquels il était habitué, respirer un autre air et en vivre pleinement. »
Il est regrettable de ne pouvoir dire ici ce qu’étaient alors l’aspect et les traits de cet enfant au beau front légèrement bombé, aux cheveux abondants, au regard pénétrant et doux, à l’allure décidée, en dépit de sa taille qui resta peu élevée, à son grand regret. Une de ses sœurs se le rappelait âgé d’environ quinze ans, courant dans le jardin après les enfants, pour leur donner une « leçon d’énergie » et voir lequel d’entre eux serait plus vite essoufflé. Il l’atteignit la première et la laissa désespérée d’avoir baissé dans l’estime fraternelle par son peu d’endurance.