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NOTES.

humaine, je ressuscitai sous celle de serpent ; et dans toutes mes métamorphoses, je continuai d’adorer Mahâdéo, par la grâce duquel j’abandonnois chaque corps, ainsi qu’on dépose un vieux vêtement.

À la suite de plusieurs changemens, je devins un Brahmane ; mais les semences de l’orgueil germèrent de nouveau dans mon cœur. Je dédaignai les instructions de mon père, et, m’étant retiré dans les bois et sur les montagnes, je méditois sans cesse sur les attributs de Dieu. Là, j’entendis les discours d’un vénérable richi, avec qui j’eus la hardiesse d’argumenter, et de soutenir que la dévotion envers la Divinité visible ou incarnée étoit préférable à la dévotion envers la Divinité invisible. Le sage, irrité de ma présomption opiniâtre, cessa un moment d’ètre maître de lui-même, et proféra une imprécation, par l’effet de laquelle j’existe ainsi sous la forme d’un oiseau de la race la plus vile. Mais Mahâdéo ayant calmé le trouble de son esprit, il se repentit de sa colère ; et lorsque je pris ma forme actuelle, il me consola par des expressions affectueuses, me donna le mentre ou formule d’enchantement de Râm, me conseilla de tenir compagnie au dieu pendant son enfance, et de chercher ensuite cette retraite, où j’ai passé des milliers d’années. Il termina en me donnant sa bénédiction, qui fut ratifiée en ces termes par une voix céleste : Que les vœux de l’ame pieuse soient accomplis !

Je me suis convaincue ici de plus en plus que les ignorans qui négligent la vache Camdhen, source de toute félicité véritable, et qui n’aspirent qu’aux voluptés des sens, ressemblent à ceux qui cherchent l’herbe acun f mais ne désirent que son lait ; que les hommes sans religion sont pareils à ceux qui essaient de traverser l’océan sans vaisseau ; et que, quoique l’aine humaine soit une émanation immortelle de la Divinité, ceux » qui sont dominés par leurs passions, deviennent semblables à des perroquets enfermés dans une cage, ou à des singes attachés par une chaîne. II n’en est pas ainsi des hommes religieux qui étudient les Vèdes et pratiquent de bonnes œuvres ; ils ressemblent à des vaches qui pâturent dans des plaines verdoyantes, les mamelles chargées d’un lait pur, dont le berger remplit son vase, qu’il fait bouillir, qu’il laisse ensuite refroidir au grand air, dont il fait du caillé et du beurre délicieux. La piété est le feu qui augmente la bonté du lait ; elle brûle les taches du vice. Le repentir forme le beurre, qui, changé en huile, entretient la lampe de l’entendement, à l’aide de laquelle on parcourt les livres divins et on découvre