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NOTES.

jusqu’à la tendresse, comme la vénérable vache et son veau. Tels furent les bienfaits que Râm répandit sur le genre humain ; sa présence rendit l’âge d’argent égal à l’âge d’or en vertu et en bonheur. »

Aussitôt que Bhoûchanda eut terminé son récit : « Ô adorable Râm, s’écria l’aigle, je te révère à cause de ta puissance, et je t’aime à cause de ta bonté. Si tu n’avois pas daigné élever des doutes dans mon esprit, et m’induire au péché d’orgueil par ton divin mâyâ, comment aurois-je été guidé vers cette noble montagne ! comment aurois-je entendu le récit de tes actions glorieuses ! comment se seroit allumé dans mon sein le brûlant amour que je ressens pour toi ! »

« Moi aussi, reprit la corneille, Râm m’a exaltée, en me procurant l’honneur d’être ainsi consultée par le souverain des oiseaux. Son affection s’est hautement manifestée envers toi, et tu peux maintenant cesser d’être surpris que les plus éminens d’entre les dieux et les plus vertueux richis soient tombés sous le joug des passions. Quel être, excepté Dieu, n’a jamais été séduit par l’amour des richesses î Quel est celui que rien n’a excité à la colère ou à la vengeance, que n’ont point attiré les plaisirs de la jeunesse, dont le cœur a été à l’abri des flèches que lance la beauté des femmes, et du pouvoir de deux grands yeux languissans ! Qui peut se vanter d’avoir été toujours exempt de terreurs sans motif et d’inutiles douleurs ! De qui la réputation n’a-t-elle pas été souillée par l’orgueil ! Quel est celui que l’ambition n’a jamais captivé par de fausses idées de grandeur ! Toutes ces tentations, toutes ces amorces, sont les filles de Mâyâ ; et Vichnou emploie leurs illusions, répandues sur l’univers, à décevoir toutes les créatures pour leur avantage ultérieur. Il est l’être des êtres, une substance sous trois formes, sans mode, sans qualité, sans passion ; immense, incompréhensible, infini, indivisible, immuable, incorporel, irrésistible. Nulle intelligence ne peut concevoir ses opérations, et sa volonté fait mouvoir tous les habitans de l’univers, comme des marionnettes sont mises en mouvement par des cordes. L’homme pieux, qu’il aime comme une mère aime son unique enfant, se réjouit sous son empire et triomphe de sa gloire, tandis que les impies, qui sont orgueilleux, ignorans, captieux, et qui imputent follement à Râm les suites de leur propre stupidité, s’affligent vainement et voient tous les objets sous de fausses couleurs, de même que ceux qui ont les yeux enflammés supposent que la lune est rouge. Leur démence leur feroit croire que le soleil se lève à l’occident, et leurs craintes les agitent comme de petites