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DE L’ITALIE ET DE L’INDE.

sa robe à elle-même semble jonchée d’yeux ; à quoi il faut ajouter que, dans quelques-uns de ses temples, on voit un paon, sans cavalier, à côté de ses images. Cârtiguêya, avec ses six visages et la multitude de ses yeux, a bien quelque ressemblance avec Argus, que Junon employoit comme son principal garde ; mais comme c’est une divinité du second ordre, et le chef des armées célestes, il paroît être clairement l’Orus d’Égypte et le Mars d’Italie. Je suis persuadé que son nom de Skanda, sous lequel il est célébré dans un des Pourânas, a de l’affinité avec l’ancien Skander de Perse, que les poëtes confondent ridiculement avec Alexandre de Macédoine (97).

Les attributs de Dourgâ, ou d’accès difficile (98), ne sont pas moins frappans dans la fête dont il vient d’être fait mention : cette fête porte son nom ; et, sous ce rapport, elle ressemble à Minerve, non pas à la pacifique inventrice des beaux-arts et des arts utiles, mais a Pallas, coiffée d’un casque et armée d’une lance : l’une et l’autre représentent la vertu héroïque, ou la valeur unie à la sagesse ; l’une et l’autre tuèrent de leurs propres mains des géans et des démons ; l’une et l’autre protégeoient les hommes bons et vertueux, qui leur rendoient un culte légitime. De même, dit-on, que Pallas tire son nom de l’action de jeter une lance et paroît d’ordinaire armée de pied en cap, ainsi curis, l’ancien mot latin qui signifioit lance, étoit l’un des titres de Junon (99) ; et si Lilio Gyraldi (100) n’est point dans l’erreur, un autre de ses titres étoit Hoplosmia (101), qui, à ce qu’il semble, désignoit en Élide une femme vêtue en panoplie (102), ou complètement armée. La Minerve non armée des Romains répond visiblement, comme protectrice du savoir et du génie, à Saresouatî, épouse de Brâhmah, et emblème de sa principale faculté créatrice. Ces deux déesses ont donné leur nom à de célèbres ouvrages de grammaire ; mais le Sdresouata de Saroûpâtchârya est infiniment plus concis que la Minerva de Sanctius, en même temps qu’il est plus utile et plus agréable. La Minerve (103) d’Italie inventa la flûte ; et Saresouatî préside à la musique. Ce fut aussi par la même raison que la protectrice d’Athènes eut le surnom de Musicé.