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SUR LES DIEUX DE LA GRÈCE,

Cérès, la même que Lakchmî, nommée aussi Sri.

Un autre de ses noms est très-remarquable ; c’est celui de Câla ou Temps, dont l’idée se confond avec le caractère de Saturne et de Noé : car le mot Cronos a une affinité visible avec celui de Chronos ; et un savant disciple de Zérâtocht(58) m’assure que, dans les livres sacrés des Bouddhistes, il est fait mention d’une inondation universelle, appelée le déluge du Temps.

Comme il a été observé en passant que Cérès étoit la fille poétique de Saturne, je ne puis terminer cet article sans ajouter que les Hindous ont aussi leur déesse de l’abondance, qu’ils appellent ordinairement Lakchmî, et qu’ils regardent comme la fille, non de Menou, mais de Bhrigou, qui promulgua le premier recueil de lois sacrées. Elle porte aussi les noms de Pedmâ et de Camala, noms tirés du saint lotus ou nymphœa ; mais son nom le plus remarquable est Sri, ou, au nominatif, Srîs, qui a de la ressemblance avec son nom latin, et signifie fortune ou prospérité. On peut objecter que, s’il est permis d’appeler figurement Lakchmî la Cérès de l’Hindoustân, il étoit naturel à deux ou plusieurs nations idolâtres qui vivoient de l’agriculture, d’imaginer une divinité qui présidoit à leurs travaux, sans qu’elles eussent ensemble la moindre relation : mais on ne voit pas de raison qui ait pu engager deux nations à faire cette divinité du genre féminin. Il étoit au moins plus vraisemblable que l’une d’elles supposât que la terre étoit une déesse, et que le dieu de l’abondance la rendoit féconde. De plus, on voit, dans de très-anciens temples situés près de Gayâ(59), des images de Lakchmî avec des mamelles remplies de lait, et une corde nouée sous son bras, semblable à une corne d’abondance, qui ressemblent beaucoup aux anciennes figures de Cérès honorées dans la Grèce et à Rome(60).

Après avoir ainsi analysé la fable de Saturne, passons à ses descendais ; et, pour suivre le conseil du poëte, commençons par Jupiter. Les petits garçons apprennent à connoître dans Ovide sa suprématie, ses foudres et son libertinage ; tandis que l’on ne considère pas généralement, dans les systèmes de la mythologie européenne, ses grandes fonctions de créateur, de conservateur et de destructeur.