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SUR LES DIEUX DE LA GRÈCE,

et de l’irréligion, eurent pour objet la chute des tyrans, ou de leurs emblèmes naturels, des géans à mille bras, formés pour la plus vaste oppression ; et dans le douâpar-youg(43), l’incarnation de Crichna(44) eut en partie le même but, en partie celui de purger le monde des hommes injustes et impies, qui s’étoient multipliés dans cet âge, et commençoient à fourmiller aux approches du kali-youg, ou de l’âge de la dispute et de la bassesse. Quant à Bouddha, il semble avoir été le réformateur des dogmes contenus dans les Vêdas ; et quoique sa bonté le portât à censurer ces anciens livres, parce qu’ils ordonnoient des sacrifices d’animaux, les Brahmanes même de Câsi(45) le regardent comme le neuvième âvatâr(46), et le poëte Djayadêva célèbre ses louanges. Son caractère est, à plusieurs égards, fort extraordinaire : mais comme ce sujet appartient à l’histoire plutôt qu’à la mythologie, je le réserve pour une autre dissertation. Le dixième âvatâr passe pour être encore à venir ; et l’on s’attend à le voir paroître, monté ( comme le vainqueur couronné de l’Apocalypse) sur un cheval blanc, armé d’un cimeterre resplendissant à l’égal d’une comète(47), pour faucher tous les pécheurs incorrigibles et impénitens qui seront alors sur la terre.

Ces quatre yougs(48) ont une affinité si remarquable avec les âges des Grecs et des Romains, qu’on peut naturellement assigner la même origine aux deux systèmes. Dans l’un et dans l’autre, le premier âge est dépeint comme abondant en or, quoique satya signifie bonne foi et probité, deux vertus qui durent exister, ou jamais, dans les temps qui suivirent immédiatement un exercice de la puissance divine aussi terrible que la destruction du genre humain par un déluge universel : le second est caractérisé par l’argent, et le troisième par le cuivre, quoique leurs noms usuels fassent allusion aux proportions imaginées dans chacun entre le vice et la vertu. L’âge actuel, ou âge de terre, semble distingué plus convenablement que par le fer, comme il l’étoit dans l’Europe ancienne, puisque ce métal n’est ni plus vil ni moins utile que le cuivre, bien qu’il soit plus commun de nos jours, et par conséquent moins précieux ; tandis