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DE L’ITALIE ET DE L’INDE.

choses précieuses, le seigneur de l’univers prend plusieurs formes corporelles ; mais quoique, comme l’air, il passe à travers une multitude d’êtres, il demeure toujours lui-même, parce qu’il n’a point de qualité sujette au changement. À la fin du dernier calpa(30), il y eut une destruction générale occasionnée par le sommeil de Brâhmah(31). Ses créatures de différens mondes furent noyées dans un vaste océan. Brâhmah ayant envie de dormir, et souhaitant le repos après une longue suite d’âges, le fort démon Hayagrîva s’approcha de lui, et déroba les Vêdas qui avoient coulé de ses lèvres. Lorsque Héri, le conservateur de l’univers(32), découvrit cette action du prince de Dânavas, il prit la forme d’un petit poisson appelé sap’harî. Un saint monarque, nommé Satyavrata, régnoit alors ; c’étoit un serviteur de l’esprit qui marchoit sur les eaux, et si pieux que l’eau étoit sa seule nourriture. Il étoit fils du Soleil ; et dans le calpa actuel, il est investi par Narâyan de l’emploi de Menou, sous le nom de Srâddhadêva, ou dieu des funérailles. Un jour qu’il faisoit une libation dans le fleuve Critamâla, et qu’il tenoit de l’eau dans la paume de sa main, il ay vit remuer un petit poisson. Le roi de Dravira jeta sur-le-champ le poisson et l’eau dans le fleuve où il les avoit pris. Alors le sap’harî adressa d’un ton pathétique ces paroles au bienfaisant monarque : Ô roi, qui montres de la compassion pour les opprimés, comment peux-tu me laisser dans l’eau de ce fleuve, moi trop foible pour résister aux monstres qui l’habitent, et qui me remplissent d’effroi î Le prince, ne sachant pas qui avoit pris la forme d’un poisson, appliqua son esprit à la conservation du sap’harî, tant par bonté naturelle que pour le salut de son ame ; et après avoir entendu sa prière, il le plaça obligeamment sous sa protection, dans un petit vase plein d’eau : mais, dans l’espace d’une seule nuit, il grossit tellement que le vase ne pouvoit plus le contenir. Il tint ce discours à l’illustre prince : Je n’aime point à vivre misérablement dans ce petit vase ; procure-moi une demeure où je puisse habiter avec plaisir. Le roi, l’ôtant du vase,