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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

— Elle ment, répétait Antoinette, tout cela est faux !

— Et cela, est-ce faux ? dis-je en lui montrant la lettre que j’avais trouvée sur elle.

Elle eut un cri de rage, ses yeux étincelèrent ; elle me saisit les mains en m’enfonçant les ongles dans la peau.

— Rendez-moi cela, fit-elle.

Mais avant qu’elle ait pu l’atteindre, j’avais déchiré la lettre et j’en avais soufflé au vent les morceaux.

Alors elle devint comme un animal affolé, elle me frappa au visage au point de m’arracher des cris. Je crois bien qu’elle m’aurait toute meurtrie si Troussot et Zozo ne s’étaient jetés sur elle et ne lui avaient saisi les mains.

— Est-ce ainsi, dis-je, enfant dénaturée, que vous reconnaissez tout le bien que j’ai fait pour vous.

— Le bien ! le bien ! ah ! vous voulez rire ! répondit-elle découvrant tout à coup sa haine. Assassiner ma pauvre mère, voler ma fortune, voilà ce que vous appelez me faire du bien. Ah ! monstre, le mal que je t’ai fait pour me défendre, pour me sauver de toi, n’est rien en comparaison de ton crime et de mes souffrances.

À chaque insulte il me semblait descendre d’un degré l’échelle infernale des tortures. Je m’imaginais que mon supplice était achevé, et je le voyais renaître de minute en minute comme un incendie qui ne s’endort un instant que pour éclater ensuite avec une ardeur plus dévorante.

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