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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


vierge ! Ah ! la barbare déchirure ! j’avais l’idée à présent qu’Antoinette était laide, impure, qu’elle puait ! J’avais hâte de laver mes lèvres, mes doigts. Je respirais sur son corps et sur moi l’odeur infecte de l’homme. Et pourtant j’espérais encore, je me disais : c’est peut-être un accident.

Comme elle faisait un mouvement, je rabats sa jupe, je me relève, mais à ce moment un papier plié s’échappe de son sein. Je le ramasse, et je m’éloigne un peu pour le lire.

Il n’y avait que quelques mots, mais, hélas ! ils étaient significatifs.

« Achève les derniers préparatifs. Je viendrai ce soir. Fais attention. La Gourgueil veille. Je couvre de baisers ton corps adorable.

» Pierre. »

J’étais si émue que mes jambes tremblaient, ma gorge était desséchée, je pensais qu’avec l’amour de cet enfant toute la joie de l’existence m’abandonnait. Cependant je me ressaisis, une grande colère m’agitait. Qu’allais-je faire ? les épier, les surprendre ! ou bien attendant qu’il fût parti, traiter Antoinette comme une enfant, châtier cette chair qu’elle avait prostituée, la déchirer puisqu’elle l’avait salie. Elle me haïrait davantage ! Oui, mais j’aurais le plaisir de me venger, de l’empêcher d’être à cet homme, à ce Pierre. Elle ne lui appartiendra pas, me disais-je, quand je devrais l’enfermer dans une cave. Mais cet homme parle de